Le début de la Commune : Montmartre prend les armes

35 Rue du Chevalier de la Barre Paris

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« Thiers, en voulant reprendre les canons de Belleville, a été fin là où il fallait être profond. Il a jeté l’étincelle sur la poudrière. Thiers, c’est l’étourderie préméditée » Victor Hugo

Le 18 mars 1871 marque le début de la Commune de Paris, un événement qui restera gravé dans l'histoire. Cette période tumultueuse culminera avec la "semaine sanglante" du 21 au 28 mai, où environ 20 000 communards perdirent la vie face aux forces versaillaises.

Malgré sa brièveté, la Commune de Paris laisse un héritage durable, avec l'émergence de droits et de concepts novateurs. Parmi ceux-ci figurent l'enseignement laïc et obligatoire, la séparation de l'Église et de l'État, les prémices de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, ainsi que le divorce par consentement mutuel. Ces idées révolutionnaires continuent d'influencer les sociétés françaises et étrangères jusqu'à nos jours.


Le début de la commune en Bref

Les canons des Parisiens sur la butte Montmartre, le 18 mars 1871 - Photo, fonds du musée Carnavalet.

Il est aux environ de 6h du matin ce 18 mars 1871, lorsque des milliers de soldats sont envoyés vers différents points stratégiques de Paris. À ce moment-là, près de 4000 hommes se dirigent vers Montmartre, pour reprendre possession des canons de la garde nationale, tandis que 6 000 autres convergent vers Belleville. Pendant ce temps, une autre division se met en route vers la Bastille.

Pour le moment leur avancée se déroule sans encombre. Un calme apparent qui ne sera que de courte durée, lorsque des femmes et des gardes nationaux lancent l'alerte, attirant une foule agitée a barrée la route des soldats. Dans la confusion générale, de nombreux soldats rejoignent les rangs de la foule en colère. Deux généraux, Lecomte et Clément-Thomas, qui se trouvent à Montmartre, sont faits prisonniers par la foule. Ils seront fusillés le jour même.

Alors que les quartiers populaires se barricadent, les manifestants et la garde nationale convergent vers le cœur de Paris, pour y investir les lieux de pouvoir. Face à cette révolte populaire, le gouvernement dirigé par Thiers prend la décision de fuir Paris dès 16 heures. À 22 heures, l'Hôtel de Ville, abandonné par le maire Jules Ferry, tombe aux mains du Comité central de la garde nationale. C’est le début de la Commune !


La Commune : Les origines d’une révolution

1870, La défaite de Sedan

Napoléon III remettant son épée à Guillaume Ier, au château de Bellevue. Gravure américaine anonyme de 1871.

Le 2 septembre 1870 s'inscrit dans l'histoire de la France comme une date noire, symbolisant la déroute de l'armée française à Sedan. Cette défaite, loin d'être un simple revers militaire, entraîne la capture de Napoléon III et signe l'effondrement du Second Empire. L'événement déclenche une chaîne de réactions, aboutissant à la proclamation de la Troisième République par Léon Gambetta depuis l'Hôtel de Ville de Paris. La débâcle à Sedan révèle non seulement les faiblesses structurelles de l'armée impériale mais aussi la supériorité tactique et numérique des forces prussiennes, illustrant ainsi l'écart croissant entre les puissances européennes de l'époque.

De la Capitulation à la Résistance : L'Assiégement de Paris

Dans les mois qui suivent, Paris se retrouve assiégée, une épreuve qui teste la résilience de la capitale et de ses habitants. La gestion du siège par le gouvernement de Défense nationale, sous la direction du général Trochu, se révèle inefficace face à une situation désespérée, aggravant le mécontentement populaire. La famine et l'isolement contribuent à un climat de révolte, préparant le terrain pour des bouleversements sociaux et politiques majeurs.

Paris et la province divisées

Enfants du peuple sous le Second Empire français vers 1865

À mesure que la défaite militaire se confirme, le sentiment révolutionnaire s'intensifie, conduisant à la formation de comités de vigilance et au désir de créer une Commune, comme lors de la Révolution précédente. Malgré un plébiscite en faveur du gouvernement en janvier 1871, le mécontentement persiste, et l'appel à la Commune se renforce. L'incapacité des autorités à mettre fin au conflit et les conditions de vie détériorées alimentent les aspirations révolutionnaires.

Face à l'annonce de l'armistice par le gouvernement et à l'occupation proposée de Paris par les Prussiens, le ressentiment atteint son paroxysme. Peu après la signature de l'armistice le 28 janvier 1871, des élections législatives ont lieu le 8 février suivant. À Paris, les républicains remportent une victoire écrasante, avec des figures telles que Louis Blanc, Victor Hugo, Léon Gambetta et Giuseppe Garibaldi. Cependant, dans les régions, les monarchistes, légitimistes et bonapartistes prennent le pouvoir, marquant ainsi un fossé croissant entre Paris et la province.

La goutte qui fait déborder le vase

Adolphe Thiers photographié par Nadar

Le 16 février à Bordeaux, Adolphe Thiers est élu chef du gouvernement par l'Assemblée nationale, lui donnant mandat pour négocier la paix. Les pourparlers avec Otto von Bismarck débutent à Versailles le 23 février et aboutissent à la signature des préliminaires de paix le 26 février. Ce texte prévoit notamment la cession de l'Alsace et de la Moselle à l'Allemagne.

Cependant, à Paris, ces négociations sont perçues comme une provocation, notamment en raison de l'occupation de la capitale par les Prussiens et des décisions de l'Assemblée nationale. L'envoi de l'armée par Thiers pour reprendre les armes conservées par la Garde nationale le 18 mars 1871 déclenche alors une insurrection.

Un président qui met de l’huile sur le feu

Adolphe Thiers, premier président de facto de la IIIe République, est connu pour son conservatisme et son désir de dompter la ville rebelle de Paris. Une série de provocations exaspère les Parisiens : Thiers autorise les Allemands à défiler sur les Champs-Élysées le 1er mars 1871, après avoir signé un traité préliminaire de paix avec Bismarck.

Ensuite, au lieu de ramener l'assemblée à Paris, jugée trop "rouge", elle déménage à Versailles, symbolisant le retour au pouvoir royal. Les actions de Thiers empirent encore les choses : il supprime les salaires de la Garde nationale, privant de nombreux Parisiens de revenus, lève le moratoire sur les loyers instauré pendant la guerre, et nomme des généraux bonapartistes à des postes clés, notamment à la tête de la Garde nationale.

Thiers s’obstine

Pour calmer les tensions républicaines qui montaient depuis plusieurs semaines, Thiers, poussé par une majorité de députés, cherche à désarmer la Garde nationale. Ses tentatives échouent à deux reprises : d'abord le 8 mars à Montmartre, puis le 16 mars place des Vosges, car les soldats de la Garde nationale s'y opposent. Plusieurs maires d'arrondissement, dont Clémenceau, tentent de convaincre le ministre de l'Intérieur Picard d'éviter un bain de sang, mais en vain. Ces efforts pour récupérer les canons ne font qu'empirer la situation : les Parisiens estiment que ces armes, acquises par souscription publique, doivent rester sous le contrôle de la fédération républicaine de la Garde nationale, et non entre les mains d'une armée favorable aux monarchistes.

De plus, sans ces canons, le peuple se sentirait sans défense face à d'éventuelles attaques des forces gouvernementales, comme lors de l'insurrection ouvrière de juin 1848. Les canons sont essentiels pour ériger des barricades lors d'une insurrection. Les multiples soulèvements utilisant des barricades ont montré aux Parisiens leur importance stratégique pour résister à une armée régulière.

L’affaire des canons

Les canons des Parisiens sur la butte Montmartre, le 18 mars 1871 - Photo, fonds du musée Carnavalet.

Le point de bascule survient avec "l'affaire des canons". Thiers, déterminé à désarmer Paris pour éliminer les éléments révolutionnaires, ordonne le retrait des canons entreposés à Montmartre et Belleville. Ces canons avaient préalablement retiré des champs Elysée, pour démilitariser le centre de Paris, à l’occasion du défilé des troupes prussiennes. Le 18 mars 1871, 4000 soldats sont donc envoyés vers Montmartre pour les récupérer.

Alors qu'ils attendent les chevaux pour déplacer les canons, les soldats se retrouvent encerclés par la foule et les gardes nationaux. Sous l'influence de la foule, comprenant de nombreuses femmes, menées notamment par Louise Michel, les soldats rejoignent le camp des insurgés parisiens. Malgré l'intervention de Clemenceau, maire du 18e arrondissement, les généraux Lecomte et Thomas sont fusillés, le premier ayant ordonné de tirer sur la foule et le second étant accusé d'avoir participé à la répression de juin 1848.

Le Paris des barricades

Barricade du Faubourg Saint-Antoine

Des barricades surgissent un peu partout dans Paris, tandis que de nombreux soldats fraternisent avec les Parisiens. Dans la crainte d'être capturé, Thiers quitte précipitamment la capitale pour Versailles, suivi par environ 100 000 Parisiens et la majorité des fonctionnaires, marquant ainsi le véritable début de la Commune de 72 jours.

Pendant ce temps, le comité central de la Garde nationale se réunit à l'Hôtel de Ville et décide d'organiser des élections dans la ville, soutenu par de nombreux clubs. Les élections ont lieu le 26 mars 1871, avec environ 230 000 votants sur 485 000 inscrits, soit environ 52 % d'abstention, en raison notamment du départ de nombreux Parisiens. Dès le 28 mars, le nouveau Conseil vote en faveur de l'établissement de la Commune, en référence à l'insurrection qui avait mis fin à la monarchie le 10 août 1792.

La Commune, en sursis

 

Batterie avancée de l'armée de Versailles au pont de Neuilly (vers le 5 avril 1871) - Gravure pour L'Univers illustré du 5 août 1871 - Musée Carnavalet

La proclamation de la Commune le 28 mars 1871 représente un moment unique d'expérimentation sociale et politique. Malgré sa brièveté, la Commune met en œuvre des réformes progressistes et tente de réorganiser la société sur des principes plus égalitaires. La répression violente de la Commune par les forces versaillaises, connue sous le nom de "Semaine Sanglante", illustre la brutalité des affrontements idéologiques de l'époque et marque la fin tragique d'un épisode révolutionnaire.

L'histoire de la Commune de Paris reste un témoignage puissant des luttes sociales et politiques. En analysant les événements qui ont conduit à sa formation, on perçoit non seulement les aspirations à la justice sociale et à l'autonomie mais aussi les défis inhérents à la transformation d'un système politique. La Commune incarne ainsi un chapitre crucial de l'histoire française, offrant des leçons toujours pertinentes sur le pouvoir, la résistance et l'aspiration à un monde plus juste.

Photo de couverture : Barricade sur la Butte Montmartre, rue de la Bonne - Bibliothèque historique de la Ville de Paris.