La SMN, l’acier forgé « made in » Normandie
14 Rue des Ateliers Colombelles
De 1917 à 1993, la Société métallurgique de Normandie (SMN) a marqué le paysage industriel et social de Colombelles, près de Caen. Fondée dans le feu des guerres et prospérant durant les Trente Glorieuses, la SMN symbolise la force ouvrière et l’identité sidérurgique normande. De sa montée fulgurante à sa fermeture tragique, retour sur cette industrie emblématique de la Normandie.
L'HISTOIRE EN BREF
La SMN, une industrie au cœur des conflits mondiaux
Lorsque la SMN est fondée en 1917 par l’industriel allemand Alfred Thyssen, son objectif initial était de profiter des ressources en fer de Normandie pour soutenir ses ambitions industrielles. Mais avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l’État français prend le contrôle du site en mettant la société sous séquestre. La production est alors redirigée vers l'effort de guerre français, notamment pour la fabrication d'obus, avec le soutien des autorités publiques. En 1917, sous l’œil du ministre Albert Thomas, le premier haut-fourneau de la SMN est allumé, marquant une ère de production intense et symbolisant la force de l’industrie française naissante.
Les aciéries de la SMN à Colombelles le matin du 18 juillet 1944, suite à une attaque des avions du Bomber Command contre des positions fortifiées allemandes.
Malgré un départ difficile, l’usine se développe rapidement, grâce à l'afflux d'ouvriers venus de toute la France, mais aussi d’Europe et d’Asie. Au fil du temps la SMN est devenue une micro-société, qui accueille une main-d'œuvre internationale dont elle prend le plus grand soin, en prônant le modèle du paternalisme social. Avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale, la SMN devient une cible stratégique, en raison de sa production d’acier, essentielle à l’effort de guerre. L’usine est partiellement réquisitionnée par les forces allemandes, et subit d’importants bombardements alliés, endommageant ses infrastructures. Malgré les destructions, elle renaît après-guerre après une reconstruction rapide.
Trente Glorieuses : l’âge d’or de la sidérurgie normande
L'entrée de la SMN dans les années 1930
À partir des années 1950, la SMN connaît un développement spectaculaire, symbolisant la période des Trente Glorieuses en France. En 1973, elle atteint son apogée avec une production de plus d’un million de tonnes d’acier, dont la moitié est exportée via le port de Caen. Le bruit des marteaux et des machines résonne jusque dans les villages alentours, et la chaleur des fourneaux donne au ciel une lueur rougeâtre la nuit. L’usine emploie alors jusqu'à 6 400 ouvriers, confirmant son statut de géant de la sidérurgie en France et de pilier économique pour la région normande.
La SMN, c’est aussi un engagement envers ses ouvriers et leurs familles. Dans les cités ouvrières, les familles vivent au rythme de l’usine, et la fierté d’appartenir à cette communauté se transmet de génération en génération. La cité-jardin du Plateau, située près de l'usine, devient un véritable village, où les ouvriers et leurs familles vivent quasiment en autarcie, avec écoles, salles de spectacle et clubs sportifs. L’implication de la SMN est totale, aussi bien dans la vie sociale, culturelle, et même sportive de ses employés. Michel Hidalgo, futur entraîneur de l'équipe de France de football, débuta sa carrière sportive dans le club de l’usine.
Après le déclin, l’héritage d’un passé ouvrier
Le 17 juin 1982, les ouvriers de la Société métallurgique de Normandie manifestent à Caen.
Mais le rêve industriel s’effondre avec la crise de l'acier des années 1970, qui frappe durement la SMN. En dépit d'investissements pour moderniser ses installations avec des technologies comme la coulée continue, l’usine ne parvient pas à surmonter les difficultés économiques. En 1991, l’annonce de la fermeture tombe comme un coup de massue pour les ouvriers et leurs familles, qui se battent dans les rues de Caen pour défendre leur emploi. Le 5 novembre 1993, la dernière coulée de métal marque la fin d'une époque. La SMN s’éteint, laissant derrière elle une ville marquée par la tristesse et le souvenir d’un géant.
Aujourd’hui, les vestiges de la SMN demeurent, avec le Chaudron, grande tour de refroidissement conservée en mémoire de ce passé industriel. La reconversion du site en espaces de haute technologie et en zones agroalimentaires témoigne d'une nouvelle orientation pour Colombelles, mais le souvenir des métallos et de leur communauté ouvrière perdure. Dans la mémoire collective du Calvados, l’histoire de la SMN et de son passé ouvrier, restera à jamais forgée dans la chaleur des hauts fourneaux.
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