L'Histoire des fusillés Lillois

Lille Nord Hauts-de-France

Voir le trajet

En 1914, la Première Guerre mondiale ébranle l'Europe, et la ville de Lille ne reste pas épargnée. Elle se trouve rapidement au cœur d'un conflit dévastateur, subissant trois jours de bombardements intenses avant de tomber sous l'emprise allemande le 13 octobre. Cette occupation, qui durera quatre longues années, bouleverse profondément la vie quotidienne des Lillois. La ville, autrefois dynamique, se voit paralysée économiquement. Les Allemands démantèlent ses usines l’une après l’autre, le chômage se généralise, plongeant la population Lilloise dans un grand désarroi. De plus ses habitants meurtris, souvent désespérés, sont confrontés quotidiennement à des réquisitions pour servir de main-d'œuvre à la machine de guerre allemande, et à des pillages généralisés commandités par les officiers ennemis.

L'Acte de Bravoure

Les Protagonistes de la Résistance

Au cœur de l'occupation allemande de Lille pendant la Première Guerre mondiale, des citoyens ordinaires se transforment en héros extraordinaires. Parmi eux, Eugène Jacquet, secrétaire de la Ligue des droits de l'homme, âgé de 45 ans et courtier en vin, incarne l'esprit de résistance. Il s'entoure de trois compagnons de lutte : Georges Maertens, un passementier de 50 ans, Ernest Deconynck, un sous-lieutenant de territorial de 37 ans, et Sylvère Verhulst, un petit contrebandier belge de 38 ans. Leur mission : créer un réseau de résistance pour soutenir les soldats français et les aviateurs anglais.

 

Leur Mission de Résistance

Ces hommes s'engagent dans des activités périlleuses, orchestrant des opérations de sauvetage audacieuses. Ils cachent et aident à l'évasion de soldats et d'aviateurs, défiant l'occupant allemand malgré les risques énormes. Leur réseau devient un pilier crucial de la résistance à Lille, offrant un souffle d'espoir à une population assiégée et terrorisée.

Leurs Actes de Courage

En mars 1915, leur réseau réussit à faire passer en Angleterre un aviateur, le lieutenant Mapplebeck. Ce succès, cependant, attire l'attention des Allemands. Mapplebeck, en revenant lâcher des tracts sur Lille, met involontairement en lumière les activités du réseau. Les Allemands intensifient leurs recherches, déterminés à éradiquer toute forme de résistance.

L'Arrestation et le Jugement

La chute du réseau survient après qu'un convoi d'évadés soit arrêté à Anvers et qu'un des évadés révèle des informations cruciales. Jacquet, Deconynck, Verhulst, et Maertens sont arrêtés le 10 juillet 1915. Ils sont internés à Gand, puis transférés à la citadelle de Lille. Lors de leur jugement les 17 et 18 septembre, ils sont condamnés à mort pour leur rôle dans la résistance. Cette sentence est exécutée le 22 septembre à l'aube.

Leur Sacrifice

Leur exécution, loin de briser l'esprit de résistance, devient un symbole de la lutte pour la liberté. Ces hommes, attachés au poteau d'exécution, chantent avec fierté et défi, incarnant la résilience et le courage face à l'adversité. Leur sacrifice inspire les générations futures et reste gravé dans la mémoire collective de la ville.

Un Monument de Mémoire et de Résilience

Pour honorer ces héros, un monument est érigé par le sculpteur Félix-Alexandre Desruelles. Inauguré le 31 mars 1929, ce monument devient un symbole de résilience et de mémoire. Cependant, durant la Seconde Guerre mondiale, le 25 août 1940, les Allemands détruisent ce monument à coups de pioche. Cette destruction ne fait que renforcer la détermination des Lillois à garder vivante la mémoire de leurs héros. Reconstruit à l'identique par la veuve du sculpteur, Germaine Oury-Desruelles, le monument est réinstallé en 1960 au square Daubenton.

Courageux jusqu'au bout

Le monument érigé en mémoire des résistants lillois, œuvre de Félix Desruelles, puise son inspiration dans les écrits de Paul Bardou. Sur ce monument, les quatre hommes héroïques sont représentés adossés à un pan de mur, évoquant les fossés de la Citadelle de Lille où ils furent exécutés. Chacun y incarne une vertu : « Eugène Jacquet est mort en citoyen de l'univers, Georges Maertens en chrétien, Ernest Deceuninck en soldat, Sylvère Verhulst en homme ».

Dans cette représentation sculptée, Eugène Jacquet se tient fièrement, les mains dans les poches, repoussant sa veste et avançant la poitrine, défiant ses bourreaux avec un courage remarquable. À côté de lui, Sylvère Verhulst, dans une posture plus humble, la tête baissée et les bras ballants, semble accepter son sort avec résignation. Ernest Deceuninck, bras croisés sur la poitrine, affronte la mort avec la même détermination que Jacquet. Georges Maertens, quant à lui, demeure immobile, comme s'il vivait ses derniers instants sous le regard du monde.

Le Cinquième Fusillé

Le monument des résistants de Lille inclut une figure poignante, souvent évoquée comme le cinquième fusillé : Léon Trulin, un espion belge. En 1915, Trulin, jeune et audacieux, est envoyé en Angleterre où il reçoit des missions d'espionnage. Sous le pseudonyme de Noël Lurtin, une anagramme de son nom, il traverse à plusieurs reprises la Belgique et la Hollande pour transmettre des documents importants en Angleterre. Malheureusement, il est arrêté au poste-frontière de Putte-Cappelen en Belgique. Condamné à mort par le tribunal militaire allemand, son exécution se déroule le 8 novembre 1915 dans les fossés de la Citadelle. Sa représentation allongée face contre sol symbolise son sacrifice héroïque pour la liberté.

Lille, Ville de Mémoire et de Courage

L'histoire des fusillés de Lille est plus qu'un récit historique ; c'est une source d'inspiration. Elle nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres, l'esprit humain peut briller d'un courage exceptionnel. Ces hommes, devenus des symboles de résistance, nous enseignent que la liberté est un bien précieux, souvent acquis au prix de grands sacrifices. Lille, à travers ces rues et ce monument, ne laisse pas l'oubli effacer les actes héroïques de ses enfants. Elle se dresse, fière et résiliente, portant les cicatrices de son passé comme des médailles d'honneur.

Photo de couverture : Le Monument aux Fusillés, sculpture de Félix Desruelles, 1929. De gauche à droite : Sylvère Verhulst, Ernest Deconinck, Georges Maertens, Eugène Jacquet et Léon Trulin. Photo Velvet, wikipedia.