Le Château des Ducs de Bretagnes, 500 ans d'Histoire
4 Pl. Marc Elder Nantes
Situé au cœur de Nantes, le Château des ducs de Bretagne se distingue comme un joyau du patrimoine urbain de la ville, rivalisant en importance avec la Cathédrale Saint-Pierre. Érigé à l'orée du XVIe siècle, ce monument est l'œuvre de François II, l'ultime duc d'une Bretagne indépendante, et de sa fille Anne de Bretagne. Ce château est un condensé de plus d'un demi-millénaire d'histoire. De nouvelles découvertes dans les domaines de l'archéologie, de l'histoire et de l'architecture offrent une perspective renouvelée sur ce monument emblématique.
L'Évolution Architecturale du Château
François II à l’origine du château
Érigé au XIIIe siècle sur les vestiges encore visibles de la muraille gallo-romaine de la cité des Namnètes, le château ducal originel cède sa place au XVe siècle au monument que nous connaissons aujourd'hui. Ce remplacement architectural est l'initiative de François II, le dernier souverain d'une Bretagne autonome. Son ambition était de transformer le Château des ducs de Bretagne en une citadelle militaire imprenable face à l'autorité royale, tout en en faisant la résidence principale de la cour ducale.
Anne de Bretagne, l’héritière
L'Héritage de François II et l'Union de la Bretagne à la France
François II décède tragiquement à la suite d'un accident équestre, laissant sa fille Anne de Bretagne comme héritière. Le château est cédé aux Français en 1491, à la suite de la trahison d'Alain d'Albret, le gardien du château, qui le remet au roi de France. Après s'être réfugiée à Rennes pendant le siège, Anne est contrainte d'épouser Charles VIII, devenant ainsi reine de France et amorçant l'union de la Bretagne avec la France.
Les Répercussions du Siège de 1487 et les Transformations du Château
Le siège de 1487 a causé des dommages considérables au château, notamment l'effondrement de certaines parties des remparts et des dégâts aux structures supérieures causés par l'artillerie. Après son mariage avec Charles VIII, une partie des fortifications est réparée et même renforcée. Le couple royal ne visite Nantes qu'une seule fois en 1493 et réside principalement dans les châteaux de la Loire, comme Amboise, où Charles VIII décède en 1498.
Anne de Bretagne et sa Vision pour le Château
Conformément à leur contrat de mariage, Anne, épouse le successeur de Charles VIII, Louis XII. Ce second mariage lui donne plus de liberté. Elle retourne à Nantes et entreprend des rénovations au château. Anne y voit l’occasion de poursuivre le projet de son père, et de se doter d'une demeure digne de son statut de reine.
Les Logis du Château
Les structures les plus vastes et les plus impressionnantes du château sont sans aucun doute les logis. Conçus pour héberger non seulement la famille ducale et l'administration du duché, ces espaces étaient également destinés à recevoir de manière somptueuse les invités de prestige et à loger les nombreux courtisans du duc.
Adossés à la courtine, le Grand Logis et le Grand Gouvernement sont les plus anciens de ces logis et ont été érigés au XVe siècle par François II. L'agencement général des logis, alignés le long de la muraille, semble avoir été influencé par les châteaux de Langeais ou de Châteaudun, tous deux construits dans les années 1460.
Leur aménagement intérieur durant la période de la Renaissance demeure largement méconnu. Aucun meuble ou décor de cette époque n'a survécu, bien qu'en 1491, les secrétaires de Charles VIII aient fait état de tapisseries, de livres, de textiles, de tableaux, de bijoux, de coffres contenant de la vaisselle et même de chandeliers.
À la suite de l'annexion de la Bretagne à la France, le château devient une résidence royale peu fréquentée. L'occupation militaire prolongée du site a considérablement modifié les logis. Leur transformation en musée rend aujourd'hui difficile l'interprétation des espaces intérieurs.
Le Château et le Public
Un Espace Ouvert au Public
Du côté de la ville, le château se présente comme une citadelle fortifiée, dotée d'un chemin de ronde de 500 mètres agrémenté de sept tours, toutes reliées par des courtines. Les douves et les remparts sont ouverts au public, tout comme la cour intérieure.
La Cour Intérieure et les Expositions
En parlant de la cour, elle est le théâtre d'une somptueuse résidence ducale du XVe siècle, sculptée dans de la pierre de tuffeau. Son architecture est un mélange fascinant de gothique flamboyant et de premières influences de la Renaissance. À cela s'ajoutent d'autres structures, érigées aux XVIe et XVIIIe siècles, qui se distinguent par leur blancheur éclatante et leur finesse sculpturale.
Ces bâtiments offrent un contraste saisissant avec les murailles extérieures, robustes et composées de blocs de granit séparés par des couches de schiste. Le Grand Logis, avec son élégance et son raffinement, héberge le musée d'histoire de Nantes, tandis que le bâtiment du Harnachement est dédié aux expositions temporaires de grande envergure.
Les grandes mutations du château des Ducs de Bretagne
Un château qui a vécu
Le Château des ducs de Bretagne endosse divers rôles aux XVIe et XVIIe siècles. Il sert de résidence bretonne aux monarques français, avant de se transformer en caserne, en dépôt d'armes et en prison. Au cours de ces trois siècles, le château subit de nombreuses modifications et fait face à diverses épreuves, comme un incendie dévastateur en 1670.
Le Château de Nantes Durant la Révolution française
Au cours de la Révolution française, le château de Nantes échappe miraculeusement à la démolition. Le 19 juillet 1789, les clés du château sont symboliquement remises à la municipalité de Nantes, qui les retourne immédiatement au commandant du château.
Cependant, le jour suivant, les citoyens de Nantes envahissent le château, craignant qu'il ne cache des armes ou des munitions qui pourraient être utilisées contre eux. Des groupes révolutionnaires locaux réclament la démolition du château, le considérant comme un outil de contrôle sur la ville. Toutefois, cette demande est rejetée. La ville acquiert le château en 1791 pour la somme de 12 millions de livres, mais il est repris par l'État en 1792 en raison du déclenchement des conflits révolutionnaires. Les symboles de la royauté et de la noblesse qui ornaient le château sont effacés en avril 1793 et remplacés par des icônes révolutionnaires. Par exemple, un bonnet phrygien est installé sur le bastion Mercœur, et la devise républicaine est gravée au-dessus de l'entrée principale.
Durant cette période révolutionnaire, le château devient un lieu de détention surpeuplé. Alors qu'aucun prisonnier n'était mentionné en 1789, en 1793, les autorités se plaignent de la surpopulation carcérale et des conditions sanitaires déplorables. Parmi les détenus, on compte notamment des prêtres qui refusent de se conformer aux nouvelles lois.
La catastrophe de 1800
Contrairement à la Bastille, le château de Nantes a survécu à la Révolution française. Cependant, il subit un désastre majeur le 25 mai 1800 lorsque le plafond délabré de la tour des Espagnols s'effondre sur un dépôt de poudre, provoquant une explosion massive. Cette déflagration détruit non seulement la tour mais aussi des bâtiments adjacents, y compris des archives et une chapelle. Heureusement, les archives duc de Bretagne avaient été déplacées peu de temps avant. L'explosion fait également des victimes dans le quartier voisin, avec 60 corps retrouvés dans les décombres. Les parties endommagées ne seront jamais reconstruites.
Redécouverte et Restauration du Château au XIXe Siècle
Au 19e siècle, le château de Nantes commence à être reconnu pour sa valeur historique et architecturale. Les premières initiatives de restauration démarrent en 1853, coïncidant avec la démolition du bastion Mercœur pour faire place à une voie ferrée. Cette démolition permet de redécouvrir la tour du Port, qui est ensuite partiellement reconstruite. En 1855, d'autres travaux de restauration sont entrepris, faisant du château l'un des premiers monuments historiques classés par Prosper Mérimée en 1840.
Ces restaurations ne sont pas entièrement fidèles à l'original. Par exemple, des éléments néogothiques et des monogrammes d'Anne de Bretagne sont ajoutés. Les restaurateurs choisissent de supprimer les modifications post-Renaissance pour figer le château dans son époque de gloire, entre les 15e et 16e siècles.
Le château de Nantes au XXe siècle
L’évolution du Château au Début du 20e Siècle
Au début du 20e siècle, l'architecte Henri Deverin envisage sans succès de reconstruire la partie du château détruite en 1800 et de le transformer en un hôtel de ville néogothique, s'inspirant de l'approche de Viollet-le-Duc.
En 1911, un accord est conclu entre le ministère de la Guerre et la ville de Nantes, permettant à la ville d'échanger un ensemble immobilier contre le château. La ville prend officiellement possession du château en 1915, mais en raison de la Première Guerre mondiale, l'armée y maintient sa présence jusqu'en 1920. Le maire Paul Bellamy décide alors de transformer le château en musée. Joseph Stany Gauthier, un professeur d'art, conçoit un musée des arts décoratifs qui ouvre ses portes en 1924. Le musée élargit rapidement ses collections pour inclure l'art populaire régional, avec un accent particulier sur la culture bretonne.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, le musée du château est progressivement fermé et ses collections sont sécurisées dans d'autres châteaux. Dès 1939, le château sert de base pour le service de santé de la défense passive.
En 1941, les Allemands réquisitionnent une partie du château pour y installer un central téléphonique et y détenir des travailleurs forcés. En 1943, la Feldkommandantur prend le contrôle total du château, le transformant en poste de commandement. Un bunker est construit dans la cour pour protéger le commandement allemand. Malgré les bombardements sur Nantes en septembre 1943, le château reste largement intact, à l'exception de quelques vitres brisées. Après la guerre, le château reprend sa fonction de musée, ayant survécu aux conflits sans dommages majeurs.
Un souffle nouveau
Les années 90-2000
Durant les années 1990, l'attention s'est portée sur la rénovation de plusieurs éléments clés du château, notamment la tour des Jacobins, les façades du Grand Gouvernement datant des XVe et XVIIe siècles, ainsi que la tour de la Couronne d'Or du XVe siècle. Le bâtiment du Harnachement, construit au XVIIIe siècle, a également été réaménagé en 1997 pour accueillir des expositions temporaires.
Les années 2000 ont été marquées par une série de restaurations majeures. Les façades en tuffeau blanc du Grand Logis, datant du XVe siècle et constituant les parties les plus anciennes et emblématiques du château, ont été remises en état. Ces travaux ont rapproché le Château des ducs de Bretagne des célèbres châteaux de la Loire. De plus, le campanile et les flèches au-dessus de la tour de la Couronne d'Or ont été restaurés, et l'intérieur de la résidence ducale a été entièrement aménagé pour accueillir le musée.
Après une période de travaux s'étalant sur quinze ans et une fermeture totale de près de trois ans, le château a finalement rouvert ses portes en 2007. Depuis, il abrite le musée d'histoire de Nantes, marquant la première fois dans son histoire où il a bénéficié d'une restauration complète et globale.
Une histoire qui continue de s’écrire
Le Château des Ducs de Bretagne est bien plus qu'un simple monument historique. Depuis sa construction au Moyen Âge, il a vu passer des ducs et des reines, des soldats et des artistes. Il a survécu à des sièges, des guerres et des révolutions. Se transformant tour à tour de forteresse défensive à une résidence royale, il fut le théâtre de trahisons et de mariages royaux, de destructions et de restaurations. Aujourd'hui, il se dresse fièrement au cœur de Nantes, offrant aux visiteurs une plongée fascinante dans l'histoire de la Bretagne et de la France.