Monet, le maître de la cathédrale de Rouen

25 Pl. de la Cathédrale Rouen

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Claude Monet peint la série de tableaux sur la cathédrale de Rouen dans les années 1890. Chaque peinture de cette série représente la façade de la cathédrale à différents moments de la journée et à différents moments de l'année. Pour Monet, ses toiles doivent refléter avec précision, l'apparence de l'édifice en fonction de la lumière.

" Aussi longtemps que le soleil sera sur elle, il y aura autant de manières d’être de la cathédrale de Rouen que l’homme pourra faire de divisions dans le temps. L’œil parfait les distinguerait toutes, puisqu’elles se résument à des vibrations perceptibles même pour notre actuelle rétine. L’œil de Monet précurseur nous devance et nous guide dans l’évolution visuelle qui nous rend plus pénétrante et plus subtile notre perception du monde."

Georges Clemenceau dans "Révolution de cathédrale", La Justice, 20 mai 1895

Pour réaliser son œuvre, Claude Monet loue différents espaces situés juste en face de la cathédrale de Rouen. C'est donc entre 1892 et 1893 que Monet réalise une trentaine de peintures de la cathédrale de Rouen. En 1894 quand il estime son travail terminé, Claude Monet prend la direction de l'atelier de sa maison de Giverny pour retravailler ses toiles.

 

Une série à succès

En 1895, il choisit une vingtaine de tableaux de la série pour les exposer dans à la galerie de son marchand parisien. La vente se passe très bien puisqu'avant la fin de l'exposition, huit tableaux ont déjà trouvé preneur. Des amis peintres comme Camille Pissarro et Paul Cézanne visitent l'exposition et font l'éloge de la série. Il faut dire que la série de toile est réalisée au bon moment. En effet au début des années 1890, la France montre un regain d'intérêt pour le catholicisme. Alors comment ne pas bien accueillir un sujet comme celui de l'une de ses plus belles cathédrales ? Outre la signification religieuse, la cathédrale de Rouen, de style gothique, représente ce qu'il se fait de mieux dans l'histoire et la culture architecturale française. La série est un tel succès que des appels sont lancés pour que l'État achète la série complète pour les exposer dans son ensemble. Cependant ces appels ne sont pas entendus et la série est divisée.

La cathédrale de Rouen, une question de point de vue

 

La cathédrale de Rouen en 1881.

Quand Claude Monet peint la cathédrale de Rouen, il est depuis longtemps impressionné par la manière dont la lumière façonne l'aspect d'un lieu. Notamment la capacité de cette lumière à transformer profondément l'apparence d'un sujet en fonction de l'heure, de la saison ou des des conditions météo. Pour Monet, les effets de cette lumière sont devenus aussi importants que le sujet lui-même. De ce fait dans ses séries de peintures, Monet peint de nombreuses vues du même sujet sous sous différents angles et dans différentes conditions d'éclairage. Dans toutes ses toiles Monet tente de démontrer l'importance du rôle de la lumière, dans notre perception et notre compréhension d'un sujet. La série des cathédrales n'est pas la première série de peintures de Monet. Cependant elle est la plus exhaustive. De plus jusqu'à cette série, Monet peint essentiellement des paysages. La cathédrale lui permet de souligner le paradoxe entre une structure solide et permanente, et la légèreté d'une lumière qui change continuellement. Ce sont ces changements de lumière et donc de contraste qui modifie en permanence notre perception de l'édifice.

Une série cauchemardesque

Même pour Monet peindre la cathédrale est une tâche terriblement difficile. Michaël Howard écrit dans son "Encyclopedia of Impressionism" :

"Comme toujours, les images lui ont causé d'intenses difficultés qui l'ont plongé dans le désespoir. Il avait des cauchemars vifs de la cathédrale de différentes couleurs - rose, bleu et jaune - qui le recouvraient…"

D'ailleurs Monet lui même écrira :

"Les choses n'avancent pas très régulièrement, principalement parce que chaque jour je découvre quelque chose que je n'avais pas vu la veille. … En fin de compte, j'essaie de faire l'impossible."

Monet a découvert que la chose qu'il avait voulu peindre - la lumière - était, en raison de sa nature en constante évolution et de sa subtilité extrême, une chose presque impossible à capturer. Il était cependant aidé par sa capacité à saisir rapidement l’essence d’une scène, puis à la terminer plus tard à l’aide d’un croquis associé à la mémoire de la scène. Pour ces peintures, il a utilisé des couches épaisses de peinture richement texturée, exprimant la nature complexe du sujet. Paul Hayes Tucker, dans "Claude Monet La vie et l'art" écrit :

"La sensibilité de Monet aux effets naturels qu'il a observés n'est qu'un facteur qui rend ces images si remarquables. La façon dont il manipule son médium contribue également à leur majesté. Les surfaces de ces toiles sont littéralement incrustées de peinture que Monet a construite couche après couche, comme la maçonnerie de la façade elle-même."

L'imbrication subtile des couleurs, la perception aiguë de l'artiste et l'utilisation de la texture permettent de créer une série d'images chatoyantes à la lumière et aux couleurs, chefs-d'œuvre dignes de la splendeur de leur sujet.

Les points de vue choisis par Monet

La cour d'Albane

 

Monet, La Cour d'Albane, temps gris, février 1892, collection privée.

Claude Monet peint ses deux premières toiles en février 1892. Pour commencer le peintre décide de représenter la cathédrale vue de la Cour d’Albane. De plus ces œuvres seront les seules réalisées en plein air. Mais l'hiver Rouennais ne permet pas à Monet de peindre pendant de longs moments à l'extérieur. De ce fait l'artiste se met à chercher un appartement qu'il lui servira d'atelier pour continuer son travail.

Le portail vu de face

 

Le Portail vu de face, harmonie brune,1892.

Pour se mettre à l'abri Claude Monet s’installe d’abord dans un local inutilisé à l'étage du magasin " La Grande Fabrique". De là, Monet peint deux toiles dans lesquelles il représenta la cathédrale vu de face. La première est "Le Portail vu de face, harmonie brune". Le tableau est exposé au musée d'Orsay à Paris. C'est cette toile qui démarre la série "des cathédrales". Monet ne termine pas la seconde toile. Des experts affirment que le peintre n'était pas satisfait de son travail.

Le Portail vu en perspective

 

Claude Monet, série des cathédrales de Rouen portail début d'après midi

Monet se remet au travail en revenant de Giverny le 25 février 1892. Cependant l'appartement qu'il occupait est en travaux et Monet se voit contraint de changer d'endroit pour travailler. De ce fait Monet choisit un autre angle de vue sur la cathédrale dans un immeuble voisin. C'est de là qu'il peint les toiles suivantes. Désormais l'artiste montre la façade en perspective, et non plus de face. De plus neuf autres toiles sont peintes en plein soleil à partir du début d'après-midi. Monet est un bourreau de travail puisqu'il aurait peint ces toiles entre 13H et 18H30. 

Changement de perspective

De nouveau Monet déménage pour installer son atelier dans l'actuel office de tourisme. A l'époque l'immeuble est occuper par un magasin de "lingeries et modes" La fenêtre par laquelle Monet voit la cathédrale est située au premier étage. Si vous vous trouvez devant l'office de tourisme, trouvez la première fenêtre à gauche de la fenêtre centrale. C'est de là qu'il va peindre onze autres tableaux.

Le portail et la tour Saint-Romain

La Cathédrale de Rouen. Le Portail et la tour Saint-Romain, plein soleil

Claude Monet peint une dernière série de six toiles d'un autre endroit. Il s'agit du magasin "Caprices" qui se situe à quelques mètres de son atelier précédent. L'endroit se trouve aujourd'hui à la hauteur du 49 rue Grand Pont. De là Monet aménage un atelier dans lequel il s’installe du 15 février au 14 avril 1893. L'endroit est suffisamment grand pour lui permettre de peindre plusieurs toiles à la fois. Pour y parvenir il les installe autour de lui, et change de toile en fonction de la lumière et du climat. Dans les lettres que Monet écrit à son épouse, Monet dit de cette série que c'est la plus épuisante à réalisé. Cette série d’œuvres de Monet a inspiré d'autres maîtres de la peinture. C'est le cas notamment d'Alfred Sisley, qui intéressé par la démarche de son ami Monet, se mit à peindre une série de tableaux sur l'église de Moret-sur-Loing.