Les grands magasins Dufayel, les débuts de grande distribution

26 Rue de Clignancourt Paris

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En 1895, le 26 rue de Clignancourt abrite l'entrée principale des "Grands Magasins Dufayel". A l'époque l'endroit est aussi le plus grand magasin du monde.

 "La peinture c'est beau mais c'est triste Car ça manque un peu d'essentiel. Faut pas compter sur un artiste Pour se meubler chez Dufayel."

Extrait de la chanson "De place en place" chantée par Georges Brassens. Le texte décrit l'ascension puis la déchéance d'une prostituée.

À l'Origine, un palais

En 1856, Jacques François Crespin crée sur le boulevard Barbès, un magasin qu'il nomme le "Palais de la Nouveauté". A cette époque, le magasin n'est pas du tout destiné à une clientèle populaire. En fait L'homme d'affaires imagine un immense showroom, dans lequel viennent se fournir en meubles et objets divers les commerçants de la capitale. À la mort de son fondateur en 1888, l'établissement est repris par Georges Dufayel, un employé du magasin. L'entrepreneur décide de changer de stratégie en s'adressant directement à la clientèle populaire qui habite le quartier. Mais pour y parvenir il doit composer avec les bâtiments gigantesques qui s'étendent sur plus d'un hectare.

La naissance des grands magasins Dufayel

Pour Dufayel, l'endroit doit être spectaculaire pour attirer le public. De ce fait le fronton du magasin est orné par un haut relief, "Le Progrès entraînant le Commerce et l'Industrie" en 1895. Puis l'œuvre sculptée par Jules Dalou et Alexandre Falguière est coiffée d'un dôme gigantesque qui supporte un phare éclairant Paris. En plus de ses galeries commerciales, les grands magasins Dufayel abritent bientôt un théâtre, une salle de spectacle, un jardin d'hiver et une piste cyclable. Désormais le phare illumine le ciel de Paris les soirs de spectacle. En 1912, les Grands Magasins Dufayel emploient 15 000 personnes et revendiquent le fait d'être devenu le plus grand magasin au monde.

Les Magasins Dufayel pionnier du crédit à la consommation

Reste à savoir comment inciter une clientèle ouvrière aux revenus modestes, à dépenser son argent dans le magasin. Pour cela Dufayel a sa petite idée. En effet d'abord il veut inciter les ouvriers à appréhender les achats comme un loisir. Pour cela il fait en sorte que la visite se passe de la même manière que pour la bourgeoisie dans les beaux magasins parisiens. La décoration est soignée et des sculptures ornent les différentes galeries. L'atmosphère est agréable et tout est fait pour que le client s'y sente bien. Puis il lui faut inciter les clients aux revenus modestes à acheter. Pour cela il propose de leur faire crédit et de payer seulement 20% du montant de l'achat le jour même. La somme restante est échelonnée sur plusieurs semaines ou plusieurs mois. En pratique les concierges du magasin collectent les informations personnelles du client. Puis une fois l'achat effectué, un collecteur passe chaque semaine au domicile du client pour percevoir le remboursement du crédit. Dufayel va faire fortune grâce à ce système, sur lequel il perçoit 18% d’intérêt.

De l'immense succès jusqu'à la mort

 

En 1912, avec ses millions de clients et ses 15 000 employés, la Maison Dufayel devient un empire commercial. Chez Dufayel tout n'est que démesure. Pour exemple le magasin renferme une gare et des écuries pour les livraisons. De plus un réseau de tunnels et de voies ferrées relie les différents espaces entre eux. En 1916 Georges Dufayel meurt à Paris. L'homme qui n'a pas d'héritiers, lègue la totalité de ses biens à l'ensemble de ses employés. Et ce qu'il soit balayeur ou chef de caisse. Toutefois il indique dans son testament que les employés ayant fait grève en 1905 ne bénéficieront pas de l'héritage. Le magasin va survivre encore quelques années après la mort de Dufayel, avant de fermer définitivement ses portes en 1930.

Pendant la seconde guerre mondiale, l'endroit va être utilisé par les nazis comme lieu de stockage. A la fin de la guerre, la Croix-Rouge américaine prend le relais pour y entreposer médicaments et cigarettes. Une fois le conflit terminé, la BNP rachète le bâtiment pour y installer 6000 employés de ses services généraux. Enfin en 1957 le grand dôme et le phare qui surmontent l'entrée monumentale sont démolis. Aujourd’hui, il ne reste plus que la sublime façade. Cependant celle-ci continue de faire vivre le souvenir d'une réussite commerciale et architecturale. Le souvenir d'une Belle Époque où tout était possible.