La prison de Saint-Lazare, sombre histoire de Paris au féminin

V9G3+5J3 Paris Département de Paris

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Longtemps symbole de réclusion et de répression morale, la prison Saint-Lazare a évolué au fil des siècles pour devenir un lieu d’incarcération exclusivement féminin. Depuis ses débuts comme léproserie jusqu'à sa reconversion en médiathèque, Saint-Lazare incarne les transformations d’un Paris en mutation. Entre Terreur révolutionnaire et emprisonnement des travailleuses du sexe, cet établissement est le témoin d’une histoire complexe.

 


L'HISTOIRE EN BREF

De la léproserie médiévale à Saint Vincent de Paul

Leprosorium

Deux lépreux se voient refuser l'entrée dans la ville. L'un a des béquilles, l'autre porte la robe de Lazare, un sac à main et un hochet, pour annoncer sa venue.

À l'origine, Saint-Lazare est une léproserie, accueillant dès le Moyen Âge les malades exclus de la société parisienne. Ce lieu isolé, situé aux portes de Paris, est d'abord un hospice modeste avant de devenir, sous le règne de Louis XIII, un site plus vaste dédié aux soins des lépreux.

Au XVIIe siècle, Saint Vincent de Paul transforme la léproserie en un couvent, en y installant le siège de sa Congrégation de la Mission, dédiée à l’aide des plus démunis. Sous son impulsion, Saint-Lazare devient un lieu de prédication et de soutien spirituel, où sont dispensés des enseignements religieux pour réhabiliter moralement et spirituellement les personnes en difficulté, notamment les orphelins et les vieillards.

Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord - 1

Une prison révolutionnaire : l’époque de la Terreur

Beaux-Arts de Carcassonne - Appel des dernières victimes de la terreur dans la prison de saint Lazare.7, 9 thermidor 1794 - Charles Louis MULLER

Appel des dernières victimes de la terreur dans la prison de saint Lazare.7, 9 thermidor 1794

En 1793, en plein cœur de la Révolution française, la prison Saint-Lazare devient l’un des principaux centres de détention pour les suspects politiques. Alors que la Terreur s’installe, les murs de Saint-Lazare voient défiler des opposants au régime, des aristocrates déchus, des prêtres réfractaires, et même des citoyens accusés de complot ou de trahison sur la base de simples dénonciations. Les conditions de détention sont éprouvantes : dans l’obscurité des geôles surpeuplées, les prisonniers souffrent du froid et de la faim. La peur est palpable, car chacun sait que la guillotine n’est jamais loin.

Parmi ces détenus, des personnalités comme le poète André Chénier, qui, arrêté pour ses écrits contre-révolutionnaires, attend dans l’incertitude avant d’être conduit à l’échafaud. L’ambiance de Saint-Lazare s’intensifie avec la conspiration des prisons. Craignant des révoltes internes, les autorités ordonnent des exécutions massives pour prévenir toute forme de résistance. Les rues de Paris sont alors le théâtre d’une sinistre procession : des charrettes chargées de prisonniers quittent Saint-Lazare, direction la place de la Révolution où la lame de la guillotine les attend. Saint-Lazare devient ainsi l’un des symboles les plus marquants de la Terreur, gravant dans la mémoire collective une image de brutalité et de terreur, où l’ombre de la mort plane continuellement.

Comtesse de Bohm, prisonnière sous la terreur - 1

Une prison pour femme : quand l’enfermement devient vertue

Maison d'arrêt et de correction de Saint-Lazare cour des filles valides, PH28614

Après la Révolution, Saint-Lazare se transforme en prison pour femmes, accueillant d’abord principalement des prostituées, envoyées ici pour être "corrigées" et soignées de maladies vénériennes. Très vite, elle devient un instrument de contrôle moral, destiné à "redresser" celles qui, selon les autorités, menacent les normes sociales. Au fil des années, la prison élargit son champ d’action pour inclure des femmes accusées de petits délits, ainsi que de jeunes filles jugées immorales pour des comportements perçus comme déviants. En conséquence, Saint-Lazare devient un lieu de répression de toute femme considérée comme une menace à l’ordre moral et familial.

Saint-Lazare acquiert la réputation d’une “école de la débauche”, où les conditions de détention sont dures et insalubres. Ses cellules surpeuplées rassemblent des femmes de toutes classes sociales, que ce soient des ouvrières, des domestiques, des bourgeoises, ou encore des militantes politiques. Parmi elles, des figures notoires telles que Louise Michel, militante anarchiste, ou Mata Hari, espionne accusée de trahison, côtoient des femmes anonymes, symboles de la diversité des parcours réunis sous un même sort. Saint-Lazare devient ainsi le miroir des inégalités,un paradoxe social où les différences de statut disparaissent derrière les murs de la prison, au profit d’un destin commun d'enfermement.

La Commune - 1

Des grandes dames aux travailleuses du sexe 

Couloir avec derrière une grille une religieuse et des détenues portant des baluchons devant le quartier des condamnées, PH38251-39

Saint-Lazare a vu passer des femmes de tous horizons, depuis des anonymes jusqu’à des figures notoires qui ont laissé leur empreinte sur l’histoire de Paris. Ce qui fait la particularité de ce lieu, c’est la diversité des femmes qu’il a accueillies : des travailleuses du sexe aux grandes dames accusées de crimes de haute société, toutes ont trouvé à Saint-Lazare un destin commun d'enfermement. Cette mixité symbolise un paradoxe social, où toutes sont rassemblées sous le signe de la répression, malgré leurs différences de statut et de parcours.

La prison cesse ses fonctions carcérales dans les années 1930 pour être transformée en hôpital pour femmes, servant les populations les plus précaires. Ce n’est qu’en 1998 que l’hôpital ferme définitivement, et la Ville de Paris réhabilite alors les bâtiments restants pour en faire la médiathèque Françoise Sagan, rendant ainsi cet espace à la collectivité. Aujourd’hui, Saint-Lazare incarne le souvenir d’une époque où l’enfermement et la répression morale étaient des outils de contrôle sur les femmes. Sa transformation en lieu de culture et de savoir symbolise une nouvelle appropriation de ce patrimoine, honorant un tant soit peu la mémoire de celles qui ont vécu son histoire.


Les Prisons de Paris - 1

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