Le château de Fougères : la forteresse bretonne qui défie le temps
Pl. Pierre Symon Fougères Ille-et-Vilaine
Depuis plus de mille ans, le château de Fougères veille sur les terres bretonnes, témoin des luttes incessantes entre la Bretagne, la France et l’Angleterre. Jadis bastion imprenable, il a vu ses remparts trembler sous les assauts des plus grandes armées d’Europe. Incendié, reconstruit, modernisé, il a traversé les âges sans jamais perdre sa majesté. Aujourd’hui restauré, il se dresse comme une sentinelle du passé, offrant aux visiteurs un voyage au cœur du Moyen Âge, là où se jouèrent des batailles décisives et où l’histoire de la Bretagne s’écrivit dans la pierre et le sang.
L'HISTOIRE EN BREF
Un rempart breton contre les invasions
Une vue du château médiéval de Fougères avec ses douves au premier plan.
Au XIe siècle, la Bretagne est un territoire disputé, pris en étau entre le royaume de France et l’Angleterre. Les menaces d’invasions sont constantes et les seigneurs bretons doivent renforcer leurs défenses. C’est dans ce contexte que la première forteresse de Fougères voit le jour, édifiée en bois sur un éperon rocheux naturel, protégé par les eaux sinueuses du Nançon. Cette position stratégique en fait un bastion essentiel des Marches de Bretagne, un ensemble de fortifications servant de rempart contre les incursions ennemies. Son rôle est crucial : surveiller les routes commerciales et militaires tout en assurant la protection du duché.
Mais en 1166, le château fait face à sa première grande épreuve. Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, lance une campagne brutale contre la Bretagne. Ses troupes attaquent Fougères, incendient la ville et rasent la forteresse, la réduisant à néant. La chute de Fougères est un coup dur pour la défense bretonne. Pourtant, Raoul II de Fougères, refusant la défaite, se lance dans un projet ambitieux : en 1176, il fait reconstruire le château en pierre, le dotant de remparts plus épais et de tours imposantes, dont la légendaire Tour Mélusine. Cette transformation marque une nouvelle ère pour la forteresse, désormais prête à défier les siècles et à protéger son peuple contre toutes nouvelles menaces.
Sièges, batailles et destructions : la vie de château
Le siège de Fougères en 1449. Vers 1470, enluminure ornant « La Cronicque du temps de tres chrétien roy Charles ». (BNF)
Au fil des siècles, le château de Fougères devient un enjeu stratégique majeur, convoité par les grandes puissances européennes. Entre deux conflits, la vie s’organise au sein de la forteresses. Dans la grande salle du donjon, pendant que les seigneurs festoient, dans les cuisines, domestiques et cuisiniers s’affairent à préparer des mets destinés aux banquets. Dans la basse-cour, les forgerons martèlent le fer, les tisserands fabriquent les vêtements pour la garnison de soldats qui veillent sur la cité du haut des remparts, tandis que les paysans vendent leurs récoltes aux portes du château. Pourtant, en 1449, cette routine bien réglée va être brutalement interrompue par une attaque qui marquera à jamais l’histoire du château. Profitant d’une trêve, François de Surienne, redoutable mercenaire à la solde des Anglais, lève une armée de 600 hommes et organise un raid nocturne la riche cité bretonne. Ses soldats escaladent les remparts avant de s'engouffrer dans la ville encore endormie. En très peu de temps, les rues de la cité bretonne se mettent à résonner du cris des habitants surpris dans leur sommeil. La panique s’installe, tandis que les assaillants ouvrent les portes de la cité aux soldats qui patientent à l'extérieur. Des soldats anglais, aguerris et sans pitié, ne tardent pas à mettre la ville à sac, en incendiant les échoppes, en pillant les maisons, et en massacrant sans distinction hommes, femmes et enfants. La garnison bretonne, qui compte en temps de paix très peu de soldats est prise de court, et malgré une résistance désespérée, mais elle est rapidement dépassée. Les combats se concentrent autour du château, dernier bastion de défense, mais face à la brutalité de l’attaque, les défenseurs sont balayés. Les portes cèdent, les derniers combattants sont exécutés, et la forteresse tombe sous la coupe des Anglais, laissant derrière elle une ville ravagée et en deuil.
François de Surienne se rend au duc de Bretagne.
Mais la Bretagne ne cède pas. Dans les mois qui suivent, François Ier, duc de Bretagne, lève une puissante armée et marche sur Fougères, bien déterminé à reprendre la place forte. Pendant deux mois, la forteresse est assiégée et subit un bombardement incessant. Les tirs de canons brisent les murailles tandis que, à l’intérieur, les Anglais souffrent de famine et de maladie. Piégés sans renfort possible, ils finissent par s’effondrer : exténués et affaiblis, ils capitulent, et le château retourne sous bannière bretonne. Conscients de la nécessité de renforcer la place forte, les ducs de Bretagne lancent un vaste programme de modernisation. Ils érigent de nouvelles tours d’artillerie, capables de résister aux armes à poudre, et adaptent les défenses aux évolutions des techniques de siège. Le château devient alors l’un des bastions les plus redoutables de Bretagne, un véritable rempart contre toute tentative d’invasion future.
Le château de Fougères sauvé par son histoire
Après l’annexion de la Bretagne à la France en 1532, le château de Fougères voit son rôle militaire décliner. La place forte, jadis réputée imprenable, perd peu à peu de son utilité stratégique et tombe dans l’oubli. Les siècles passent et ses murs épais, derniers témoins silencieux du fracas des batailles, s’effritent sous l’effet du temps. Durant la Révolution française, la forteresse est convertie en prison, où sont détenus principalement des opposants politiques et des prisonniers liés aux troubles de l'époque. Parmi eux, des Chouans, ces royalistes bretons engagés dans la lutte contre la République, y sont enfermés en attendant leur jugement. Ce rôle carcéral contraste radicalement avec son passé de place forte stratégique. Puis, au XIXe siècle, une partie de la forteresse est réaffectée d'une manière surprenante : elle devient une usine de fabrication de chaussures, symbole de l’essor industriel de la région. Les vastes salles de pierre, autrefois emplies du tumulte des armes, résonnent désormais du bruit des machines et des ouvriers au travail.
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Château de Fougères, tour des Gobelins et tour Mélusine vues de la tour Surienne
Malgré tout l’histoire du château de Fougères ne peut être effacée, et en 1862, il est classé monument historique. Cette étape marque le début d’une nouvelle ère pour cette citadelle. En 1892, la municipalité de Fougères rachète la forteresse et initie un vaste programme de restauration afin de lui redonner son prestige d’antan. Plus tard les fouilles archéologiques de 1925 révèlent des vestiges longtemps enfouis, permettant aux historiens de mieux comprendre son évolution à travers les siècles. Aujourd’hui, le château de Fougères est l’un des sites médiévaux les plus impressionnants d’Europe. Chaque année, des milliers de visiteurs arpentent ses remparts, explorent ses tours et plongent dans son passé à travers des reconstitutions historiques immersives. Son héritage, indissociable de l’histoire bretonne, continue de vivre à travers ceux qui viennent le redécouvrir.
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Photo de couverture : Château de Fougères vu de la haute ville. auteur : GO69 source wikipedia
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