Le château de Caen : mille ans d’histoire et de batailles
Château de Caen Caen Calvados
Dominant la ville de Caen depuis près de mille ans, le château de Guillaume le Conquérant a traversé les siècles, de sa construction au XIe siècle à sa transformation en centre culturel. De forteresse ducale à bastion des rois de France, en passant par les sièges de la guerre de Cent Ans et les bombardements de 1944, il incarne l’histoire mouvementée de la Normandie. Aujourd’hui, il renaît sous une nouvelle forme, accueillant les visiteurs au cœur de son patrimoine fascinant.
L'HISTOIRE EN BREF
Une forteresse ducale au cœur du pouvoir normand
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Le rempart est du château de Caen
L’an 1060. Sur un promontoire dominant la vallée de l’Orne, Guillaume le Conquérant observe les terres qui l’entourent. Il a triomphé des barons rebelles quelques années plus tôt et prépare son grand dessein : la conquête de l’Angleterre. Mais avant d’embarquer ses troupes de l’autre côté de la Manche, il veut s’assurer que son duché reste entre de bonnes mains. Caen, alors simple bourg, deviendra l’un des piliers de son autorité. Il ordonne l’édification d’une forteresse colossale, ceinte de murailles de pierre et s’étendant sur plus de cinq hectares. Dès sa construction, le château de Caen n’est pas seulement une place forte, c’est une capitale ducale en devenir. Il accueille un palais somptueux, où Guillaume réunit sa cour et dicte les lois de son duché. Dans la grande salle d’apparat, éclairée par des baies romanes, se succèdent banquets et cérémonies. Le duc ne se contente pas d’un château : il dote aussi la ville de deux abbayes, l’abbaye aux Hommes et l’abbaye aux Dames, qui renforcent le prestige de Caen en Normandie.
Plan du château de Guillaume le Conquérant à Caen
Lieu de pouvoir et de rayonnement, la ville grandit à l’ombre de la forteresse. Mais après la mort de Guillaume, ses successeurs doivent défendre cet héritage face aux convoitises grandissantes des rois de France. En 1204, la situation bascule. Philippe Auguste, roi de France, s’empare de la Normandie et rattache le château de Caen au domaine royal. Il renforce ses défenses, érige de nouveaux remparts et transforme la place forte en un verrou stratégique du royaume de France. Désormais, il ne s’agit plus d’un bastion ducal, mais d’un avant-poste contre les ambitions anglaises. Un siècle plus tard, ces mêmes Anglais reviendront revendiquer leurs droits sur la Normandie.
Caen, un château au cœur des guerres médiévales
Répartition des troupes anglaises autour de Caen.
1417. Depuis plusieurs semaines, la ville de Caen est assiégée par Henri V d’Angleterre. La guerre de Cent Ans fait rage, et les troupes françaises, repliées dans le château, attendent un renfort qui ne viendra jamais. Le siège est éprouvant, les vivres s’amenuisent, et les défenseurs doivent se résoudre à négocier. Les portes s’ouvrent enfin : Henri V s’avance en vainqueur, mais dans un geste rare pour l’époque, il épargne les survivants français et leur permet de quitter la ville sans être massacrés. La Normandie passe sous domination anglaise. Pendant plus de 30 ans, le château devient un bastion de l’occupation anglaise. La population normande subit la loi des nouveaux maîtres, mais la résistance s’organise.
Les murs, ayant été percés par l'artillerie, sont pris d'assaut par les brèches ; les assaillants sont couverts par le feu des hommes armés de pistolets, d'arbalétriers et d'archers.
En 1450, Charles VII de France lance une contre-offensive et reconquiert Caen après une série de batailles. L’Angleterre perd définitivement son emprise sur la Normandie. Après un siècle de conflits, le château retrouve une période de calme… mais son rôle militaire s’efface peu à peu. Avec l’évolution de l’artillerie, ses remparts deviennent obsolètes. Aux siècles suivants, la forteresse se transforme. Sous l’Ancien Régime, elle devient une prison et un lieu de garnison. Mais c’est la Révolution française qui lui porte un coup fatal : en 1793, le donjon est démoli sur ordre de la Convention, symbole du rejet de l’ancien régime féodal. Ce qui fut l’un des plus imposants donjons d’Europe disparaît en quelques semaines sous les marteaux des ouvriers. Le château entre alors dans une période d’oubli et de déclin.
Après les guerres, une bataille pour une renaissance
La vie quotidienne reprend son cours au pied du château de Caen en 1946. Le jour du débarquement allié, des avions américains tentent de bombarder les ponts sur l'Orne ; ratant leur cible, ils détruisent le centre-ville de Caen et tuent plus de 400 habitants.
Durant le XIXe siècle, le château change une nouvelle fois de fonction. L’armée s’en empare et en fait une caserne militaire. Le 36e régiment d’infanterie y est stationné, et l’enceinte médiévale est réaménagée pour loger les soldats. Le site est interdit au public et semble voué à disparaître sous les besoins de l’administration militaire. Pourtant, c’est au XXe siècle que le château subit sa dernière épreuve. Juin 1944. Les Alliés bombardent massivement la ville de Caen pour préparer l’avancée des troupes du Débarquement. Le château est durement touché, mais il tient bon. Après la guerre, la ville hésite sur son sort. Faut-il le restaurer ou le laisser tomber en ruine ? Finalement, dans les années 1960, un immense projet de sauvegarde est lancé. L’archéologue Michel de Boüard y mène des fouilles et met au jour les vestiges du donjon disparu.
Aujourd’hui, le château de Caen a trouvé une nouvelle vocation. Il abrite le Musée de Normandie et le Musée des Beaux-Arts, accueillant chaque année des milliers de visiteurs. Les promeneurs peuvent arpenter ses remparts, admirer la ville depuis ses hauteurs et revivre mille ans d’histoire normande. Témoignage du passé, il est un monument vivant, où chaque pierre raconte une page de l’histoire de France. Du règne de Guillaume le Conquérant aux bombardements de 1944, le château de Caen a traversé les âges en s’adaptant aux bouleversements de l’histoire. Forteresse ducale, bastion royal, caserne militaire et enfin musée, il incarne la résilience du patrimoine normand. Aujourd’hui, les visiteurs peuvent découvrir ses vestiges, flâner sur ses remparts et imaginer les batailles qui s’y sont déroulées. En constante métamorphose, le château de Caen est bien plus qu’un vestige du passé : c’est un livre ouvert sur l’histoire de France.
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