L'armistice de 1918, la fin de la grande guerre

D546 Compiègne Oise

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La signature de l'armistice de 1918 marque un tournant décisif dans l'histoire du XXe siècle, mettant fin à la Première Guerre mondiale et ouvrant la voie à un nouvel ordre mondial. Cette guerre, qui a bouleversé la géopolitique et profondément marqué les sociétés belligérantes, a trouvé une issue provisoire dans cet armistice signé le 11 novembre 1918. Cet article reviendra sur les conditions politiques et militaires ayant mené à la signature de cet accord, ainsi que sur les conséquences qu'il a engendrées, notamment la signature du traité de Versailles et les répercussions sur les décennies à venir.

 

Le contexte politique et militaire avant l'armistice de 1918

 

Derniers espoirs de l'Allemagne et échecs militaires

Au cours de la Première Guerre mondiale, débutée le 28 juillet 1914, la signature du traité de Brest-Litovsk le 3 mars 1918 permet à l'armée allemande de se concentrer sur le front de l'Ouest. Cependant, les offensives allemandes échouent en juin et juillet 1918, et l'arrivée des renforts américains et britanniques fait disparaître les espoirs de victoire pour l'Allemagne. Les forces allemandes, en recul avec de lourdes pertes depuis août 1918, entendent de leur état-major en septembre 1918 que la guerre est perdue, bien que l'empereur Guillaume II et les chefs militaires refusent d'assumer la responsabilité de la défaite.

Capitulation des alliés de l'Allemagne et percée de l'Entente

En septembre 1918, des offensives de l'Entente sur les fronts d'Orient et d'Italie provoquent la capitulation des alliés de l'Allemagne, laissant une "énorme brèche" que l'Allemagne ne peut colmater. Parallèlement, sur le front belge, les forces franco-belges lancent une attaque vers Bruges, enfonçant le front allemand. L'agitation grandit au sein des troupes allemandes et à l'arrière, tandis que des échanges de notes entre les Allemands et le président américain Wilson ont lieu en octobre 1918, dans le but de rétablir la paix selon les quatorze points proposés par Wilson en janvier.

Décision d'organiser l'armistice et crise politique en Allemagne

Le 28 septembre 1918, Erich Ludendorff et Paul von Hindenburg décident d'organiser l'armistice lors d'une réunion au quartier général de l'Armée allemande à Spa. Cependant, la situation politique en Allemagne se dégrade rapidement, avec la démission du chancelier Georg von Hertling et la nomination de Max de Bade comme nouveau chancelier du Reich le 3 octobre 1918. De nombreux marins et soldats refusent d'aller au combat, en particulier à Kiel. Le 5 novembre 1918, un message morse émis de Spa en Belgique annonce la demande d'armistice de l'état-major allemand, marquant le début de la fin de la Première Guerre mondiale.

Le choix du lieu pour les négociations de l'Armistice de 1918

La recherche d'un lieu adapté

Alors que le Grand État-Major allié anticipait une demande de négociations d'armistice de la part des Allemands, le maréchal Foch cherchait un lieu qui selon lui, garantirait le calme, le silence, l'isolement et le respect de l'adversaire vaincu pendant les négociations. La Direction du transport militaire aux armées (DTMA) fut chargée de trouver un tel site, capable d'accueillir le train de Foch et un autre pour la délégation allemande.

Les critères et la découverte du site

Les représentants des réseaux ferrés et les militaires recherchèrent un site répondant aux exigences de Foch. La gare de Rethondes, située à environ 600 mètres du village éponyme, fut proposée en raison de sa proximité avec le front et le quartier général allié. Cependant, une délégation jugea qu'elle n'était pas assez isolée. En explorant les environs, ils découvrirent deux épis ferroviaires parallèles s'enfonçant dans une futaie de la forêt de Compiègne. Ces voies servaient à l'acheminement de l'artillerie lourde sur rail pour le tir longue portée sur les lignes allemandes.

Validation du lieu par Foch

Le lieu, qui offrait le niveau d'isolement souhaité par Foch, fut proposé à l'état-major et finalement validé par le maréchal lui-même. Ainsi, la forêt de Compiègne devint le cadre des négociations qui aboutirent à la signature de l'Armistice de 1918, mettant fin à la Première Guerre mondiale.

L'arrivée de la délégation allemande et les préparatifs

Arrivée de la délégation allemande

Le 7 novembre 1918, une délégation allemande dirigée par Matthias Erzberger, représentant du gouvernement allemand, part de Spa pour négocier l'armistice. La délégation est composée de plusieurs personnalités, notamment le diplomate comte von Oberndorff, le général von Winterfeldt, le capitaine von Helldorf et d'autres membres militaires. Ils traversent la ligne de front à La Flamengrie (Aisne) sur la route d'Haudroy à La Capelle.

La villa Pasques et le caporal Pierre Sellier

La délégation allemande, dirigée par Matthias Erzberger, se rend à la villa Pasques, à La Capelle, pour préparer les négociations de l'armistice. C'est dans ce contexte que le caporal Pierre Sellier sonne le premier cessez-le-feu. Les six voitures de la délégation traversent la zone dévastée du Nord de la France avant de rejoindre la gare de Tergnier. Un train spécial les conduit ensuite vers un lieu de rencontre secret, une futaie de la forêt de Compiègne.

Le lieu des négociations de l'armistice de 1918

La futaie de la forêt de Compiègne abrite deux petites voies ferrées parallèles utilisées pour l'acheminement de l'artillerie. C'est là que se trouvent les trains du maréchal Foch et de la délégation allemande. Les Allemands arrivent sur place le 8 novembre à 5h30 du matin, débutant ce que Erzberger décrira plus tard comme un « véritable calvaire ».

Les participants aux négociations de l'Armistice de 1918

[caption id="attachment_15430" align="aligncenter" width="1653"] Tableau représentant la signature de l’armistice de 1918 dans le wagon-salon du maréchal Foch. De droite à gauche, le général Weyganda, le maréchal Foch (debout) et les amiraux britanniques Wemyss et Hope (en) (assis), le ministre d’État allemand Erzberger (en manteau sombre, de dos), le capitaine de la Royal Navy Marriott (en) (debout en arrière-plan), le Generalmajor Winterfeldt de la Deutsches Heer (avec le casque à pointe), le comte Oberndorff des Affaires étrangères (en manteau clair un chapeau à la main) et le Kapitän zur See Vanselow de la Kaiserliche Marine (tête nue en arrière-plan).[/caption]

Les représentants alliés

Du côté des Alliés, plusieurs figures militaires de premier plan étaient présentes lors des négociations. Le maréchal Foch, commandant suprême des forces alliées, était accompagné de l'amiral Wemyss, représentant britannique, du contre-amiral Hope, adjoint au First Sea Lord, et du général Weygand, chef d'état-major de Foch. Le secrétariat du maréchal Foch était également présent, avec Henri Deledicq et Émile Grandchamp.

La délégation allemande

Les représentants allemands étaient principalement des civils, assistés de conseillers militaires. Matthias Erzberger, représentant du gouvernement allemand, était accompagné du comte Alfred von Oberndorff, représentant le ministère des Affaires étrangères, du Generalmajor Winterfeldt de l'Armée impériale et du capitaine de vaisseau Vanselow de la Marine impériale.

Contexte et stratégie allemande

Le 29 septembre 1918, Erich Ludendorff demanda au gouvernement allemand de solliciter un armistice en raison d'une situation militaire de plus en plus préoccupante. Ludendorff fut démis de ses fonctions par l'empereur Guillaume II le 26 octobre 1918, suite à son opposition à la demande de capitulation sans conditions du président américain Woodrow Wilson. Le Commandement militaire suprême allemand, refusant d'endosser la responsabilité de la défaite, transmit cette responsabilité au pouvoir civil, représenté par Matthias Erzberger. Ce stratagème permit à l'armée allemande de ne pas apparaître comme vaincue devant la nation et à Ludendorff de forger la Dolchstoßlegende (la "légende du coup de poignard dans le dos") pour disculper les militaires.

Les négociations de l'armistice de 1918

[caption id="attachment_15429" align="aligncenter" width="545"] Vers 8H du matin, l'armistice de 1918 vient d'être signé par le maréchal Foch. De gauche à droite au premier plan, l'amiral britannique Hope, le général Weygand, l’amiral britannique Wemyss, le maréchal Foch (avec la canne et un képi ), le capitaine de la Royal Navy Marriott.[/caption]

La rencontre avec le maréchal Foch

À 10h, les plénipotentiaires allemands sont reçus par le maréchal Foch dans une ambiance glaciale. Foch demande aux Allemands s'ils souhaitent un armistice. Après concertation, les Allemands répondent par l'affirmative. Un texte leur est alors distribué, avec un délai de trois jours pour réfléchir.

Les conditions de l'armistice

Durant ces trois jours, les Allemands ont peu d'occasions de négocier et doivent rapidement accepter les conditions du texte soumis. Ces conditions, jugées humiliantes, avaient été établies par Foch, commandant suprême des forces alliées, après des discussions entre Wilson, Clemenceau, Orlando et Lloyd George. Erzberger tente sans succès de négocier une prolongation du délai.

La décision et les clauses de l'armistice

Le 11 novembre, un message arrive auprès de la délégation des Alliés, indiquant que le gouvernement allemand accepte les conditions de l'armistice et autorise Erzberger à le signer. Les clauses de l'armistice comportent 18 articles, parmi lesquels:

  • L'entrée en vigueur de l'armistice 6 heures après sa signature
  • L'évacuation de la Belgique, la France et l'Alsace-Lorraine sous 14 jours
  • L'abandon d'une grande quantité de matériel militaire lourd, dont des canons et des avions
  • L'occupation des villes de Mayence, Coblence et Cologne par les Alliés
  • L'abandon de matériel ferroviaire, dont 5000 locomotives et des wagons
  • Le retour de tous les prisonniers de guerre sans réciprocité
  • L'armistice est effectif pour une durée de 30 jours

La situation en Allemagne pendant les négociations

 

L'abdication du Kaiser

Pendant les négociations, la situation politique en Allemagne évolue rapidement. Le 9 novembre, le prince de Bade conseille au Kaiser d'abdiquer. Après avoir envisagé de prendre lui-même le commandement de l'armée, il est contraint à l'abdication par ses généraux et part en exil aux Pays-Bas.

La proclamation de la république et la formation d'un nouveau gouvernement

Afin d'éviter une prise de pouvoir par les spartakistes, les socialistes modérés proclament la république et forment un gouvernement. Le nouveau chef du gouvernement allemand, Friedrich Ebert, signe un pacte avec les dirigeants de son armée et implore son représentant à Rethondes de conclure rapidement les négociations.

La signature de l'Armistice de 1918

La situation politique en Allemagne pèse sur les délégués allemands réunis dans le wagon de Rethondes. Sous la pression, ils sont contraints d'accepter les conditions de l'armistice imposées par les Alliés.

Le 11 novembre 1918, l'Armistice est finalement signé par les plénipotentiaires allemands et les Alliés, mettant officiellement fin aux hostilités de la Première Guerre mondiale. Le 11 novembre 1918, après de longues négociations, l'armistice est finalement signé les plénipotentiaires allemands et les Alliés à 5h20 du matin. Cette signature mettant officiellement fin aux hostilités de la Première Guerre mondiale, avec une application sur le front fixée à 11h. L'accord est prévu pour une durée de 36 jours, renouvelable trois fois.

Les derniers morts au combat

[caption id="attachment_15431" align="aligncenter" width="319"] Augustin Trébuchon, le dernier soldat français mort de la première guerre mondiale. Sa mort survient 15 minutes avant le cessez le feu négocié dans l'armistice de 1918[/caption]

Les pertes du dernier jour de guerre

Le dernier jour de la Première Guerre mondiale a vu près de 11 000 tués, blessés ou disparus sur le front ouest, un bilan plus lourd que certaines opérations majeures, comme le Jour J en 1944 (si l'on ne compte que les pertes alliées). Plusieurs actions militaires ont été menées par des généraux informés de la signature de l'armistice, entraînant la mort de nombreux soldats. Par exemple, le général Wright de la 89e division américaine a ordonné l'attaque du village de Stenay, causant la perte de 300 hommes, pour que ses troupes puissent prendre un bain.

Les derniers soldats tombés

Le dernier soldat allemand tué demeure incertain, mais environ 4 000 soldats allemands sont morts ce jour-là. Un certain Lieutenant Tomas aurait été tué après l'heure de l'armistice, approchant les lignes américaines pour parlementer, sans que ces derniers ne soient informés de la cessation des hostilités. Le dernier soldat belge tué, Marcel Toussaint Terfve, est décédé 15 minutes avant le cessez-le-feu, touché près de Gand. Quant au dernier soldat français, Augustin Trébuchon, il est tombé d'une balle dans la tête en portant un message à son capitaine. Le dernier britannique, George Edwin Ellison, a été tué lors d'une reconnaissance près de Mons en Belgique, et le dernier soldat canadien, George Lawrence Price, est tombé deux minutes avant l'armistice.

Le tragique sort de l'Américain Henry Gunther

Henry Gunther, un soldat américain, est généralement considéré comme le dernier mort de la Première Guerre mondiale, tué 60 secondes avant l'heure de l'armistice. Chargeant des troupes allemandes stupéfaites, conscientes de l'imminence du cessez-le-feu, Gunther a payé le prix ultime au crépuscule de la guerre. Notons que les autorités militaires françaises ont antidaté la date de décès des morts français du 11 novembre au 10 novembre, car il était inconcevable ou trop honteux de mourir le jour de la victoire.

L'Armistice de 1918: la fin de la Première Guerre mondiale

 

Signature de l'armistice et réactions en Europe

Le 11 novembre, après des négociations de plusieurs heures, la délégation allemande signe l'armistice à 5 h 20 du matin, avec une entrée en vigueur prévue à 11 h du matin. L'armistice est initialement conclu pour une durée de 36 jours, puis renouvelé à trois reprises. La signature de l'armistice est célébrée dans les capitales européennes, avec des foules massives dans lesrues de Paris, ainsi qu'à Berlin, où la population allemande voit en cet accord la fin de leurs souffrances.

Réflexions sur la paix et la défaite allemande

Le soir du 11 novembre, le Premier ministre français Georges Clemenceau exprime ses inquiétudes quant à l'établissement d'une paix durable, estimant que cela pourrait s'avérer plus difficile que de gagner la guerre. De son côté, le maréchal von Hindenburg fait allusion, dans un message à l'armée allemande, à la thèse du « coup de poignard dans le dos » porté par les civils, qui aurait causé la défaite de l'Allemagne. Cette idée alimentera la contestation nationaliste de la République de Weimar et sera reprise par certains historiens français, qui estimeront que l'armistice a été signé prématurément.

De l'armistice de 1918 au traité de Versailles

 

À la suite de l'armistice, le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919. Ce traité, aux clauses sévères envers l'Allemagne, sera fortement critiqué dans ce pays et sera considéré comme l'une des causes de la Seconde Guerre mondiale. Les difficultés rencontrées pour établir une paix durable après la Première Guerre mondiale mettent en lumière, les défis auxquels sont confrontés les vainqueurs afin d'éviter l'humiliation des vaincus, prémices à de nouvelles confrontations dans le futur.

Commémorations de l'armistice de 1918

 

La naissance des commémorations

Les commémorations du 11 novembre trouvent leurs racines dans les célébrations des victoires de la guerre franco-allemande de 1870 et de la Première Guerre mondiale. Les monuments aux morts, érigés dans la continuité de ceux dédiés aux soldats de 1870, deviennent le symbole d'un devoir de mémoire envers les combattants tombés pour la nation. Les fêtes de la Revanche et les premières célébrations de la victoire de la Marne en 1915 sont les précurseurs du 11 novembre en France.

L'évolution des commémorations françaises

Le 11 novembre devient un jour férié en France en 1922, et une cérémonie est organisée dans chaque commune. Les présidents successifs ont apporté des changements au fil du temps, en 2011, le président Nicolas Sarkozy décide d'honorer tous les soldats morts pour la France, quelle que soit l'époque de leur décès. Aujourd'hui, le rituel présidentiel consiste à déposer une gerbe tricolore devant la statue de Georges Clemenceau et à se recueillir sur la tombe du Soldat inconnu sous l'Arc de triomphe.

Commémorations dans le Commonwealth et en Allemagne

Le Remembrance Day, également appelé Veterans Day ou Poppy Day, est célébré dans les pays du Commonwealth pour commémorer les sacrifices de la Première Guerre mondiale et d'autres conflits. En Belgique, le coquelicot est également porté lors des cérémonies. L'Allemagne, quant à elle, ne pouvant célébrer une défaite, a instauré le Volkstrauertag en 1920, une journée de deuil national pour les soldats allemands morts à la guerre, fixée au deuxième dimanche avant le premier dimanche de l'Avent.

La fin d'une guerre à garder en mémoire

[caption id="attachment_15433" align="aligncenter" width="796"] L'Armée allemande repasse le Rhin à Coblence (novembre 1918).[/caption]

La chronologie des négociations de l'Armistice de 1918 illustre la complexité des discussions entre les belligérants et les bouleversements politiques en Allemagne. Malgré les tentatives de Matthias Erzberger pour négocier les conditions de l'armistice, la délégation allemande doit finalement se soumettre aux exigences des Alliés. La signature de l'Armistice marque la fin de la Première Guerre mondiale, un conflit qui aura coûté la vie à des millions de personnes et changé le visage de l'Europe pour les décennies à venir.

En somme, l'armistice de 1918 a mis fin à l'une des guerres les plus meurtrières et dévastatrices de l'histoire. Si cet accord a temporairement apaisé les tensions entre les nations, il a également laissé des cicatrices profondes et des défis à relever pour établir une paix durable. Les leçons tirées de cette période cruciale de l'histoire sont d'une importance capitale pour comprendre les dynamiques géopolitiques et les enjeux des conflits mondiaux qui ont suivi.