Le camp de Pithiviers : tragédie et mémoire d’une collaboration française

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Le camp de Pithiviers, dans le Loiret, fut entre 1941 et 1944, le théâtre de l’internement de milliers de citoyens Juifs. Parmi eux, des hommes, des femmes, et de nombreux enfants, avant leur déportation systématique vers le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Ce lieu contrôlé par les nazis et administré par les autorités françaises, incarne l'une des pages les plus sombres de l'histoire de la Shoah et de la collaboration.

 


L'HISTOIRE EN BREF

Pithiviers : un camp français au cœur de la Shoah

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Des prisonniers Juifs raflés dans Paris, à leur arrivée au camp de Pithiviers.

Le camp de Pithiviers, construit en 1939 pour des besoins militaires, fut réquisitionné après l’armistice de 1940 pour devenir un camp d’internement. Sous l’administration de la préfecture du Loiret, il devint en 1941 un lieu clé de la persécution des Juifs en France. La rafle du billet vert, organisée le 14 mai 1941, marqua un tournant. Des milliers de Juifs étrangers, majoritairement polonais et apatrides, furent arrêtés à Paris après avoir répondu à une convocation administrative trompeuse. À leur arrivée à Pithiviers, ces hommes descendirent des trains sous les hurlements des gardiens, découvrant des rangées de baraques de bois entourées de barbelés. Chacun fut enregistré et parqué dans des conditions indignes, tandis que la peur et l’incertitude dominaient leurs pensées.

En juillet 1942, l’histoire de ce camp devint encore plus tragique avec l’arrivée des familles juives arrêtées lors de la rafle du Vel d’Hiv. Plus de 8 000 personnes, dont 4 000 enfants, furent entassées dans des conditions inhumaines. Les autorités françaises, loin d’être de simples exécutantes, allèrent jusqu’à proposer d’inclure les enfants dans les déportations, pourtant initialement exclus des plans nazis. Ce zèle administratif glaçant, soutenu par la gendarmerie et la police française, montre comment le régime de Vichy surpassa parfois les attentes de l’occupant nazi.

Histoire de la collaboration - 1

De l’internement à la déportation

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1941 : Camp d'internement juif de Pithiviers dans le Loiret (France) : Après leur arrivée au camp, les nouveaux arrivants sont minutieusement contrôlés par la police française.

La vie quotidienne au camp de Pithiviers était marquée par une souffrance omniprésente. Les internés, logés dans des baraques en bois mal isolées, dormaient sur des paillasses infestées de parasites. Les corvées rythmaient leurs journées, entre files d’attente pour une soupe trop maigre et nettoyage des espaces surpeuplés. Les épidémies, amplifiées par l’insalubrité, se propageaient rapidement, affectant particulièrement les enfants, déjà fragilisés par la malnutrition. Dans une lettre poignante, Joseph Biegelsein écrivait : « Les enfants pleurent, ils se vomissent dessus... la plupart mourront si rien ne change. »

Entre juin et septembre 1942, huit convois quittèrent le camp pour Auschwitz-Birkenau. Les départs, organisés à l’aube dans un silence oppressant, étaient une épreuve déchirante. Les parents furent déportés en premier, laissant derrière eux des milliers d’enfants désorientés. Ces derniers, souvent trop jeunes pour comprendre leur sort, furent transférés à Drancy en août avant d’être envoyés vers leur mort. Aucun d’eux ne survécut. Ces scènes de séparation violentes, où des mères s’accrochaient désespérément à leurs enfants, symbolisent l’horreur absolue de la Shoah en France.

Lettres d'un interné au camp de Pithiviers - 1

Un devoir de mémoire pour les générations futures

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Arrivée de prisonniers juifs au camp de Pithiviers en 1941

En août 1944, alors que les forces alliées progressaient en France, le camp de Pithiviers ferma définitivement ses portes. Les derniers internés, principalement des prisonniers politiques, furent transférés au camp de Drancy ou libérés dans le chaos de la défaite nazie. Après la guerre, les installations du camp furent laissées à l’abandon, avant d’être progressivement démantelées dans les années 1950. Cette période fut marquée par une volonté collective de tourner la page sur les traumatismes de l’Occupation, laissant dans l’ombre la réalité de la collaboration et de la persécution des Juifs. À l’exception de quelques structures, comme une ancienne infirmerie détruite dans les années 2010, presque rien ne subsiste aujourd’hui des bâtiments témoins de ces horreurs.

Pendant plusieurs décennies, cette mémoire resta enfouie, gênée par la difficulté d’admettre le rôle actif de l’administration française dans les déportations. Ce n’est qu’à partir des années 1980, avec les travaux d’historiens et des procès emblématiques comme ceux de Klaus Barbie et Maurice Papon, que la vérité sur la collaboration française fut pleinement mise en lumière. En 2022, la gare de Pithiviers, point de départ des convois de la mort, fut transformée en lieu de mémoire. Ce site, avec ses expositions et témoignages, raconte les tragédies du camp et rappelle que même dans l’horreur, des figures comme Jeanine Hureau-Tessier, qui sauva une famille juive en leur fournissant des faux papiers et un refuge, ont choisi de résister et de sauver des vies. Ce devoir de mémoire, porté par des lieux comme la gare de Pithiviers, rappelle l’importance de transmettre cette histoire pour que jamais plus elle ne sombre dans l’oubli. 

 


Sans oublier les enfants - 1

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