Le siège de Château-Gaillard, la chute d'une forteresse de légende

Les Andelys Eure Normandie

Voir le trajet

Niché au cœur de la Normandie et majestueusement perché au-dessus du méandre de la Seine, Château-Gaillard se dresse comme un gardien du temps, témoignant d'un siège légendaire où se mêlent stratégie, héroïsme et tragédie. Érigée sous l'égide de Richard Cœur de Lion au crépuscule du XIIe siècle, cette bastide, joyau de l'ingénierie militaire médiévale, fut l'épicentre d'une confrontation mémorable qui opposa la France à l'Angleterre.

 


L'histoire en Bref

Le siège de Château Gaillard par Philippe Auguste en 1203-1204 est un moment clé de l'histoire médiévale, marquant la lutte pour le contrôle de la Normandie entre la France et l'Angleterre. Utilisant des tactiques de siège avancées, y compris un blocus pour affamer la garnison et des assauts directs, Philippe Auguste a réussi à s'emparer de cette forteresse réputée imprenable. La chute de Château Gaillard a entraîné des conséquences significatives, ouvrant la voie à la conquête française de la Normandie.


Le terrible siège de Château Gaillard

Construction et importance stratégique de Château Gaillard

Perché sur un promontoire rocheux dominant la Seine, Château Gaillard est une merveille de l'ingénierie militaire du Moyen Âge, conçu par Richard Cœur de Lion. Cette forteresse, construite en un temps record entre 1196 et 1198, était la clé de la défense normande contre les ambitions expansionnistes du roi de France, Philippe Auguste.

 

Situé stratégiquement au bord de la Seine, son emplacement permettait de surveiller et contrôler l'accès à la région. La conception innovante du château, avec ses défenses avancées, reflétait l'évolution de l'architecture militaire médiévale. Château Gaillard jouait un rôle crucial dans la stratégie de défense des Anglais en Normandie.

L’objectif principal de Philippe Auguste

 

Philippe Auguste veut à tout prix conquérir la Normandie, en identifiant Château-Gaillard comme une cible stratégique prioritaire. Plutôt que d'attaquer directement la forteresse, il décide d'abord d’isoler la région en capturant des fortifications mineures, afin d’empêcher tout renfort anglo-normand. Une fois Château-Gaillard isolé, il décide d’entreprendre un siège méthodique, sachant bien que la bataille serait longue et ardue. Parmi les objectifs prioritaires on retrouve également la construction d'un pont flottant pour assurer la mobilité et l'assaut des défenses, afin de réduire à néant les défenses de la forteresse.

Début du siège de Château Gaillard

The Siege of Chateau-Gaillard in 1204 when Philip Augustus of France defeated King John of England

Siège de Chateau Gaillard 

En 1203, Philippe Auguste, roi de France, voyait en Château Gaillard non seulement un symbole de la puissance anglaise en Normandie mais aussi un obstacle majeur à ses ambitions territoriales. Sa décision d'assiéger cette forteresse reflétait une stratégie bien pensée pour affaiblir l'emprise des Plantagenêts sur la région.

Pour resserrer leur emprise sur la forteresse, les Français ont recours à une arme redoutable, le feu grégeois. Déployé par un courageux soldat nommé Galbert, ce mélange incendiaire a permis de prendre le contrôle d'une île stratégique près du château, isolant ainsi complètement la garnison anglaise. En prévision d'un siège prolongé, Philippe Auguste ordonne la construction de logements temporaires et de défenses fortifiées, tandis que des engins de siège sont déployés sur les collines avoisinantes pour bombarder les défenses du château avec des blocs de pierre.

Jean sans Terre tente de contrer les Français

King John from De Rege Johanne

Jean lors d'une chasse au cerf.

Jean sans Terre réagit au siège en envoyant des renforts pour secourir Château-Gaillard, avec un plan en deux parties : une attaque nocturne pour détruire un pont de bateaux et couper les Français en deux, tandis qu'une force terrestre devait les attaquer par derrière. Cependant, l'arrivée tardive des bateaux, surchargés et luttant contre le courant, a permis aux Français de se replier et de contre-attaquer efficacement, causant de lourdes pertes aux Anglo-Normands et faisant échouer la tentative de secours. Jean sans Terre a finalement abandonné l'effort, laissant ses troupes désorientées.

Les techniques de siège employées

Trebuchet1

Trébuchet, engin militaire du Moyen-Âge.

Le siège de Château Gaillard a vu l'emploi de diverses techniques médiévales de siège. Philippe Auguste utilisa des machines de siège, comme des trébuchets pour bombarder les murs, et des tours de siège pour tenter de franchir les défenses. La tactique de la faim fut également mise en œuvre, bloquant les approvisionnements pour affaiblir la garnison.

Des travaux de sape, consistant à creuser sous les murs pour les faire s'effondrer, furent aussi tentés. Ces méthodes posaient d'importants défis logistiques, nécessitant une préparation minutieuse et une grande quantité de ressources, tout en testant la résilience humaine des assiégeants et des assiégés, chacun devant gérer les tensions et la fatigue liées au siège prolongé.

La survie des assiégés

 

Siege.Chateau.Gaillard.png
Vue du Chateau Gaillard assiégé

Durant le siège de Château Gaillard, la situation à l'intérieur des murs était extrêmement précaire. Les défenseurs, ainsi que les civils réfugiés, faisaient face à la pénurie de nourriture et d'eau, poussant la garnison à prendre des mesures drastiques pour survivre. La famine devenait une réalité quotidienne, menaçant la santé et le moral des assiégés.

Roger de Lacy, le commandant de la garnison anglaise, craignant une pénurie de nourriture, décide d'expulser tous les non-combattants de la forteresse, y compris les 1 200 civils, habitants de La Couture (anciennement Les Andelys) qui s'y étaient réfugiés. Initialement autorisés à traverser les lignes ennemies, ils sont finalement bloqués par ordre de Philippe Auguste. Pris au piège entre les assaillants et le château, ces civils se retrouvent sous le feu des engins de siège et des archers.

La chute de Château Gaillard

Château Gaillard (Les Andelys), vu du ciel

La stratégie décisive qui a mené à la chute de Château Gaillard impliquait un blocus rigoureux par Philippe Auguste pour affamer les défenseurs, en complément d'assauts directs contre les points faibles de la forteresse. Dans la phase la plus critique du siège, Philippe Auguste a exacerbé la situation pour les assiégés, en bloquant les expulsés du château, les empêchant de trouver refuge ou des ressources à l'extérieur. Cette action a obligé les malheureux à errer entre les lignes anglaises et françaises, les condamnant à errer, sans aucun refuge possible, les condamnant à mourir lentement de faim et de soif.

Des centaines de personnes se retrouvent ainsi, prises au piège entre les assiégeants et le château, soumises au feu des engins de siège et des archers. Face à la famine, Philippe Auguste finit par céder et leur envoie de la nourriture, permettant à certains de traverser les lignes françaises. Malgré une tentative de Jean d'Angleterre pour briser le siège en offrant la Bretagne, Philippe refuse, déterminé à conquérir la Normandie. Désespéré, Jean retourne en Angleterre. Pendant l'hiver 1203-1204, les défenseurs se débrouillent avec leurs maigres ressources tandis que les Français se préparent à l'assaut en construisant des équipements d'attaque. En février, ils sont prêts à lancer l'assaut.

 

Les conséquences de la chute de Château Gaillard

Après la prise de Château-Gaillard par Philippe, la campagne contre les Plantagenêts s'intensifie. C'est un coup dur pour les Anglo-Normands, affaiblissant leur prestige et minant le moral des troupes. Les tentatives de secours ont échoué, conduisant à la perte d'une forteresse stratégique. Cette victoire permet à Philippe de capturer facilement Rouen, affaiblissant davantage les défenses anglaises.

 La conquête de Château-Gaillard ouvre la voie à la prise de plusieurs principautés, réduisant les possessions des Plantagenêts sur le continent. Le commandant de la forteresse, Roger de Lacy, retourne en Angleterre pour construire le château de Pontefract, tandis que le roi Jean sans Terre voit son prestige chanceler, exacerbant son impopularité déjà grandissante.

La prise du château

Vigiles du roi Charles VII 25

Les assaillants français concentrent d'abord leurs efforts sur l'ouvrage avancé, le faisant tomber avec l'aide d'engins de jet et de mines. Pour atteindre la basse-cour, ils doivent ouvrir une brèche dans les murs. L'assaut est lancé depuis plusieurs directions, avec des engins de siège et des archers infligeant des pertes aux défenseurs. Les Français utilisent également l'escalade, mais rencontrent des difficultés avec leurs échelles trop courtes. Certains parviennent tout de même à pénétrer par une fenêtre de la chapelle. Après des combats acharnés, la basse-cour est conquise.

Philippe Auguste décide alors d'attaquer rapidement la haute cour entourant le donjon. Les mineurs français exploitent une erreur de conception du pont dormant pour s'approcher de la porte et la forcer. Après la prise de la haute cour, les survivants anglo-normands se rendent. Lambert Cadoc, chef mercenaire, joue un rôle clé dans cette victoire et se voit confier la garde du château par le roi de France.

Une histoire en héritage

ChatoGaillardPano1

Le siège de Château Gaillard révèle autant sur l'ingéniosité que sur les limites des stratégies médiévales. Bien que la tactique de blocage des expulsés par Philippe Auguste fut décisive, elle souligne également une brutalité et un pragmatisme exacerbés dans le conflit, révélant les dures réalités du siège. L'héritage de Château Gaillard, au-delà de son importance militaire, interroge ainsi sur les impacts humains et culturels des stratégies de guerre, invitant à une réflexion critique sur l'évolution de la conduite des sièges.

Si vous passez par Les Andelys, ne manquez pas l'occasion de visiter les ruines de Château Gaillard, qui dominent la vallée de la Seine. Ce site historique offre non seulement un panorama exceptionnel, mais aussi un voyage à travers le temps, où vous pourrez ressentir le poids des siècles.

 

Photo de couverture : Michel Cheron - Wikipedia