L'Amoco Cadiz, un naufrage environnemental
66 Rue du Port Ploudalmézeau
Voici l'histoire du naufrage de l'Amoco Cadiz, qui va provoquer l'une des pires catastrophes écologiques de l'histoire. Cette tragédie constitue un événement marquant dans la mémoire collective bretonne. Cet article revient sur les circonstances de ce drame et tente d'éclairer les lecteurs, sur les erreurs et les défaillances qui ont conduit à cette catastrophe. En mars 1978, cela fait bientôt 4 ans, que "L'Amoco Cadiz" transporte du pétrole en provenance du golfe Persique vers l'Europe. Le 7 février 1978, le navire et ses 44 membres d'équipages ont quitté l'Iran pour rejoindre Rottrerdam. A bord, personne ne se doute que l'Amoco Cadiz effectue son dernier voyage.
" Sécurité, sécurité, sécurité, à tous les navires dans les parages d’Ouessant : le pétrolier libérien Amoco Cadiz est stoppé, en avarie de barre. Prière de faire une veille attentive "
Message d'alerte envoyé par le commandant Bardari, capitaine de l'Amoco Cadiz.
En mars 1978, cela fait bientôt 4 ans, que "L'Amoco Cadiz" transporte du pétrole en provenance du golfe Persique vers l'Europe. Le 7 février 1978, le navire et ses 44 membres d'équipages ont quitté l'Iran pour rejoindre Rottrerdam. A bord, personne ne se doute que l'Amoco Cadiz effectue son dernier voyage.
Le dernier voyage de l'Amoco Cadiz
[caption id="attachment_15046" align="aligncenter" width="1280"] Images aériennes du littoral entre Landunvez et Portsall.
Cette portion du littoral a été lourdement impactée par le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz en 1978 - Lesbats Stephane (2020). Littoral entre Landunvez et Portsall. Ifremer. https://image.ifremer.fr/data/00640/75195/a été lourdement impactée par le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz en 1978. Celui-ci s'était échoué devant le port de Portsall, où son épave réside toujours.[/caption]
Le 4 février 1978, l'Amoco Cadiz quitte le golfe Persique. Ce supertanker qui mesure 330 mètres de long, transporte dans ses cuves 227 000 tonnes de pétrole brut. Il fait route vers Rotterdam, quand Le 16 mars 1978, le navire traverse des conditions météorologiques difficiles. Il vient à peine de dépasser l'île d'Ouessant, quand le navire subit une grave avarie. En effet une panne de gouvernail rend le navire incontrôlable. Malgré tous les efforts déployés par les mécaniciens, le navire est à la dérive. Après de longues heures de lutte, L'Amoco Cadiz fini par s'échouer sur les récifs de Men Goulven. Désormais ce sont 227 000 tonnes de pétrole brut qui s'écoulent de l'épave, juste en face du village de Portsall.
Chronologie d'un naufrage annoncé
Ce naufrage est le résultat d'une série d'erreurs, de défaillances et d'imprévus qui se sont enchaînés tout au long de la journée du 16 mars. Des problèmes de communication, des négociations d'assurance et des tentatives de remorquage infructueuses ont conduit à l'échouement du pétrolier sur les récifs, malgré les efforts de l'équipage et des secours.
Un voyage périlleux
Le 16 mars 1978, l'Amoco Cadiz, parti du golfe Persique pour Rotterdam, navigue dans des conditions difficiles : vent d'ouest force 8, rafales à 9-10 et des creux de 8 mètres. À 9 h 45, le pétrolier tombe en avarie de gouvernail, ce qui le rend incontrôlable. Malgré les efforts des mécaniciens, l'avarie ne peut être réparée et le navire envoie un premier message de détresse.
L'Amoco Cadiz appelle à l'aide
Dès 11 h, le capitaine de l'Amoco Cadiz, Pasquale Bardari, demande l'assistance d'un remorqueur. Cette demande aurait pu être faite bien avant, si le capitaine n'avait pas eu à négocier avec la compagnie d'assurances et l'armateur du navire. Ces négociations s'éternisent et retardent une intervention extérieure. Plusieurs tentatives de remorquage sont entreprises par le remorqueur Pacific, mais les conditions météorologiques rendent les opérations difficiles. À plusieurs reprises "Le Pacific" va tenter de remorquer le pétrolier, mais à chaque fois la remorque casse p et Inexorablement les deux navires continuent à dériver vers la côte.
Le naufrage de l'Amoco Cadiz
Malgré les efforts désespérés des équipages, l'Amoco Cadiz va finir par toucher le fond à deux reprises, avant de venir se briser sur les côtes bretonnes. Ainsi l'Amoco Cadiz touche le fond une première fois vers 21H. De ce fait la salle des machines est noyée et provoque une coupure d'électricité ainsi qu'une panne de radio à bord. Puis il est 21H40 quand le navire en perdition touche une seconde fois. 3 minutes plus tard l'équipage envoie des fusées de détresse et lance un SOS. La marée noire commence alors.
L'évacuation de l'équipage
Alors que le pétrolier est irrémédiablement perdu, un appel de détresse est lancé par l'un des remorqueurs pour évacuer l'équipage. Les hélicoptères Super Frelon de la Marine nationale viennent au secours des marins. Vers minuit ils hélitreuillent 42 personnes sur les 44 présentes à bord. Seuls le capitaine et un officier restent à bord. Ils seront finalement évacués vers 5H du matin.
Des secours à la dérive
Vers 00H30, La Société Shell-France décide d'envoyer trois pétroliers sur zone. L'idée est de transférer la cargaison de l'Amoco Cadiz dans les trois autres tankers. Le problème, c'est que les navires prévus, ne sont pas équipés de pompes pour commencer le transfert de pétrole. Pour cela, La Shell va devoir les faire venir des États-Unis.
Pendant ce temps la Marine nationale tente d'intervenir. Mais elle ne dispose pour ce secteur que trois navires susceptibles de pouvoir remorquer l'Amoco Cadiz. Mais sur ces trois navires, aucun n'est vraiment disponible. En effet un est en maintenance, l'autre se trouve à une journée de mer du pétrolier, et le troisième est en mission au large de Terre-Neuve. De ce fait la Marine Nationale prévoit un autre plan. Elle souhaite mettre en place sur "l'Amoco Cadiz", une source d'énergie capable d'alimenter des pompes, qui seront immergées dans les cuves du pétrolier. Mais tant que la tempête est là, l'installation ne peut pas se faire. Et pendant ce temps, le bateau continue de répandre lentement son pétrole dans la mer.
Le réveil douloureux
[caption id="attachment_15044" align="aligncenter" width="1474"] Impact de la pollution à Portsall suite au naufrage de l'Amoco Cadiz.[/caption]
Le 17 mars au matin, les habitants de la pointe bretonne découvrent avec effroi la coque brisée du pétrolier et l'odeur nauséabonde du mazout. La marée noire s'étend sur des kilomètres, causant des dégâts considérables à l'environnement et à la faune marine.
L'Amoco Cadiz se casse en deux
[caption id="attachment_15043" align="aligncenter" width="1468"] L'Amoco Cadiz cassé en deux, face aux côtes du Finistère.[/caption]
Le , le navire se casse en deux. Dès le lendemain, le pétrolier a perdu 85 % à 90 % de sa cargaison et l'idée de pomper le reste de la cargaison est abandonnée. À la place, les autorités décident de bombarder l'épave par hélicoptère le 29 mars. En complément, des plongeurs démineurs de la Marine nationale reçoivent pour mission de dynamiter les cuves de l'épave. En effet les responsables de l'opération estiment qu'il est préférable d'évacuer définitivement le reste du pétrole. L'opération vise à éviter le suintement des soutes, qui aurait souillé les côtes pendant de nombreuses semaines.
La marée noire de trop
[caption id="attachment_15045" align="aligncenter" width="1642"] Nettoyage d'une des plages de Plougrescant (Côtes-d'Armor). Rabots et tonne à lisier.[/caption]
Suite au naufrage de l'Amoco Cadiz, ce sont entre 50 000 et 60 000 tonnes de pétrole brut qui vont se déverser sur 375 km de côtes bretonnes. Cette marée noire provoque une catastrophe écologique majeure qui bouleverse toute une population. Le plan Polmar est déclenché le 16 mars. Celui-ci prévoit la mobilisation de milliers de personnes pour contenir et nettoyer la pollution.
En mer, le pompage des nappes d'hydrocarbures est rendu impossible à cause de la houle. Les autorités vont choisir d'utiliser des dispersants pour favoriser la dilution du pétrole dans l'eau et limiter les dégâts à terre. Cependant, à cause du naufrage du Torrey Canyon survenu 11 ans plus tôt, des associations de protection de l'environnement dénoncent l'aspect toxique de ces dispersants. Pour cette raison, l'utilisation des dispersants est strictement limitée aux zones où la profondeur dépasse les 50m de profondeur.
Malgré l'aide internationale et la participation de milliers de volontaires, les barrages flottants se révèlent peu efficaces. De ce fait, les agriculteurs, les militaires et les citoyens unissent leurs forces pour nettoyer les plages et évacuer le pétrole. Bien que les autorités affirment que le nettoyage a duré six mois, les vagues et les bactéries naturelles ont été les véritables nettoyeurs. Pour ce qui est des déchets pétroliers, ils ont été enfouis dans une centaine de sites dans les Côtes-d'Armor et le Finistère.
Naufrage de l'Amoco Cadiz : L'impact écologique
[caption id="attachment_15042" align="aligncenter" width="800"] OLYMPUS DIGITAL CAMERA[/caption]
La marée noire de 1978 en Bretagne a eu des conséquences désastreuses sur l'écosystème. Elle est responsable de la destruction de 30 % de la faune aquatique et de 5 % de la flore marine sur 1 300 km². Le naufrage de l'Amoco Cadiz a entraîné la mort d'au moins 10 000 oiseaux, et a affecté la nidification des espèces. Les poissons, coquillages et crustacés sont également durement touchés. Au moins 35 espèces de poissons sont contaminées, et plus de 22 tonnes de poissons et crustacés ont disparu. Pour ce qui est de la flore, elle est moins affectée. En effet certaines algues ont la capacité de dégrader le pétrole naturellement. Ainsi, il a fallu en 5 à 7 ans à l'écosystème côtier pour se restaurer, avec des taux de rétablissement variables selon les conditions environnementales des sites impactés.
Conséquences économiques et mobilisation citoyenne
Le naufrage de l'Amoco Cadiz et la marée noire qui s'ensuit, provoquent une prise de conscience écologique. Particulièrement en Bretagne où la catastrophe déclenche une mobilisation citoyenne, à la fois contre la pollution et le nucléaire. De ce fait les années 1979-1980 sont marquées par de nombreuses manifestations parfois violentes. Les manifestants dénoncent bien sûr marées noires, mais petit à petit les revendications écologistes s'orientent vers de nouvelles luttes. C'est le cas notamment quand les opposants au projet de centrale nucléaire de Plogoff, utilisent un slogan somme "Mazoutés aujourd'hui, radioactifs demain".
Les conséquences économiques sont très sévères pour la région. Une crise économique sans précédent touche à la fois les pêcheurs, les ostréiculteurs et aussi toute l'industrie touristique. Par exemple les hôteliers enregistrent une baisse de 50 % de leur chiffre d'affaires. Des personnalités locales, comme Alphonse Arzel, maire de Portsall, s'engagent pour défendre les intérêts des communes touchées. Ainsi ils fondent en 1980, le Syndicat mixte de protection et de conservation du littoral nord-ouest de la Bretagne. Cet établissement est aujourd'hui plus connu sous le nom de Vigipol.
Une nouvelle réglementation
Ce désastre a des répercussions désastreuses sur la vie marine et la santé humaine. Cependant il oblige l'état à mettre en place des réglementations plus strictes afin d'éviter de tels désastres à l'avenir. Car la catastrophe de l'Amoco Cadiz en 1978 a permis de révéler des failles en matière de prévention des naufrages dans la zone du rail d'Ouessant. Suite à cet événement, les autorités vont moderniser les sémaphores en y ajoutant des radars, construire une tour radar, et mettre en place le Cross Corsen en 1982.
De son côté la Marine affrète des remorqueurs d'intervention plus puissants. Ces navires sont stationnés à Brest, Cherbourg et Toulon, pour intervenir plus rapidement sur les trois façades maritimes. À cela d'autres mesures viennent s'ajouter, parmi lesquelles la création du CEDRE, ou l'établissement de nouvelles procédures d'urgence, notamment en matière de communication. Enfin une véritable lutte s'engage contre les pavillons de complaisance. Celle-ci a pour objectif principal de réduire les risques liés aux navires en mauvais état.
Le procès
Le procès de l'Amoco Cadiz s'ouvre en mai 1982 à Chicago. En première instance, les sociétés Amoco et les chantiers espagnols Astilleros sont déclarées responsables de la catastrophe écologique. En juillet 1990, le juge accorde 123 millions de francs de dédommagement au Syndicat mixte et 202 millions pour l'État français. Suite à un appel, la Cour d'appel des États-Unis condamne Amoco en 1992 et accorde 1 257 millions de francs aux plaignants, incluant 226 millions pour le Syndicat mixte. L'État français verse également 100 millions supplémentaires au Syndicat Mixte. Les indemnisations sont versées sans obligation d'utilisation, suscitant des critiques. La condamnation d'Amoco contribue à l'instauration du principe du pollueur-payeur pour les dommages environnementaux.
L'Amoco Cadiz aujourd'hui
Aujourd'hui, le site de l'épave est devenu un spot de plongée sous-marine. Les plongeurs peuvent visiter les restes de l4amoco Cadiz, sous réserve de conditions météorologiques favorables. Situés à partir d'une trentaine de mètres sous la surface de l’eau, les débris du super pétrolier sont répandus sur une zone assez vaste. De leurs côtés, les associations de protection de l'environnement continuent inlassablement à militer, pour une utilisation plus responsable des ressources pour protéger notre planète.