La maison de Jacques Prévert à Omonville-la-Petite : son bout du monde dans le Cotentin
La Hague Manche Normandie
C’est dans le petit village d’Omonville-la-Petite, que Jacques Prévert a trouvé son dernier refuge, son « bout du monde ». Dans cette maison nichée au cœur de la Hague, il a poursuivi sa vie et son œuvre, entre poésie, collages et balades en bord de mer. Aujourd’hui transformée en musée, la maison Prévert raconte la vie et l’héritage d’un artiste hors du commun, qui a marqué la culture française du XXe siècle.
L'HISTOIRE EN BREF
Jacques Prévert en quête de son « bout du monde »
Maison de campagne du poète français Jacques Prévert à Omonville la Petite.
Jacques Prévert, poète du quotidien, du rêve et de l'engagement, a toujours été attiré par les « bouts du monde », ces lieux où le vent et la mer effacent le tumulte de la société. La Hague, avec ses falaises battues par les vagues et son ciel changeant, est l’un de ces endroits. Il découvre cette région dès les années 1930 et y revient régulièrement en vacances dans les années 1950, notamment chez son ami Alexandre Trauner, décorateur de cinéma et complice de longue date.
En 1970, alors qu’il a déjà marqué la littérature et le cinéma avec des chefs-d’œuvre comme Paroles ou Les Enfants du Paradis, Jacques et sa femme Janine achètent une maison dans le hameau du Val, à Omonville-la-Petite. Le bâtiment est alors sombre et cloisonné, mais Trauner transforme l’espace pour en faire une demeure lumineuse et aérée. Les Prévert y trouvent un havre de paix, entre mer et campagne, loin de l’agitation parisienne.
Une maison remplie de collages et de poésie
Atelier de Jacques Prévert, sous les combles de sa maison d'Omonville-la-petite.
Dès son installation en 1971, Jacques Prévert adopte un mode de vie simple et apaisé. Ses journées se partagent entre l’écriture, les collages et les promenades sur les sentiers côtiers. Il travaille dans son atelier, installé sous les combles, un espace baigné de lumière où il accumule des images découpées, des bouts de journaux et des souvenirs de voyages. Son ami Éric Pellerin, jardinier et propriétaire du manoir de Vauville, l’aide à transformer le jardin en un véritable décor vivant, où poussent des gunneras géantes, des camélias et des magnolias.
Pourtant, cette retraite normande est tout sauf un isolement. De nombreux amis viennent lui rendre visite, parmi eux des artistes comme Pablo Picasso, Joan Miró ou Yves Montand. La maison résonne alors des rires et des discussions animées, où poésie, art et engagement politique se mêlent dans une atmosphère libre et bohème. En 1975, Jacques Prévert est affaibli par un cancer du poumon. Il s’installe définitivement à Omonville, où il passera ses deux dernières années entouré de ses proches et de ses œuvres. Il s’éteint le 11 avril 1977, laissant derrière lui une immense production poétique et cinématographique, et une maison imprégnée de son âme créative.
Un lieu de mémoire pour trouver l’inspiration
La tombe de Jacques Prévert à Omonville-la-petite
Après la mort de Prévert, Janine continue d’habiter la maison jusqu’à son propre décès en 1993. Soucieuse de préserver l’héritage de son mari, elle souhaite que la demeure devienne un lieu de mémoire. En 1994, la maison est rachetée par le Conseil départemental de la Manche, qui l’ouvre au public l’année suivante. Depuis, elle fait partie du réseau des musées départementaux, attirant chaque année des visiteurs curieux de découvrir l’intimité du poète. Le musée restitue fidèlement l’univers foisonnant de Prévert : des collages sont exposés aux murs, des manuscrits annotés rappellent la force de son écriture, et la maison elle-même, avec ses formes arrondies et ses matériaux chaleureux, témoigne de son esprit créatif. L’atelier, pièce maîtresse du lieu, permet d’imaginer le poète au travail, debout face à sa table, une paire de ciseaux à la main, assemblant des images pour créer de nouveaux mondes.
Mais la maison Jacques Prévert est plus qu’un simple musée. Elle est un espace vivant, où se tiennent expositions, rencontres et ateliers artistiques, invitant chacun à prolonger l’esprit de l’artiste. Aujourd’hui encore, en parcourant les ruelles d’Omonville-la-Petite ou en admirant la mer depuis les sentiers de la Hague, on pourrait presque apercevoir son ombre, et, qui sait, entendre sa voix portée par le vent, chuchoter à notre oreille : « Il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple. »
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Portrait de Jacque Prévert en couverture réalisé par Jacques Deneux (lien vers sa galerie Flick'r)