L'Aître Saint Maclou, un rendez-vous avec la mort

Niché au cœur de la ville historique de Rouen, l'Aître Saint-Maclou est un joyau architectural qui a traversé les âges. Ce lieu, chargé d'histoire et de mystère, est un témoignage vivant du passé de la ville et de la France. C'est un voyage à travers le temps qui attend le visiteur, un voyage qui commence au Moyen Âge et qui se poursuit jusqu'à nos jours.

Histoire et Origines de l'Aître Saint-Maclou

Un Cimetière du Moyen Âge

L'histoire de l'Aître Saint-Maclou commence en 1348, au cœur de l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de l'humanité : la peste noire. Cette épidémie dévastatrice, qui a ravagé l'Europe, a frappé Rouen de plein fouet. Le cimetière qui jouxtait l'église de Saint-Maclou est rapidement devenu trop petit pour accueillir les nombreuses victimes de la peste, de la guerre de Cent Ans et de la famine.

Face à cette situation, la paroisse a décidé d'agrandir le cimetière, créant ainsi le "grand aître", un terme dérivé du latin "atrium", qui signifie "cimetière". C'est dans ce contexte que l'Aître Saint-Maclou a vu le jour, un lieu destiné à accueillir les restes des défunts de la ville.

Un Ossuaire Unique en Son Genre

En 1526, la place venait à manquer pour inhumer de nouveaux défunts. La paroisse a alors pris la décision de construire trois galeries destinées à faire office d'ossuaire. C'est à cette époque que les riches décors macabres le long des galeries ont été réalisés. Les colonnes de pierre qui soutiennent les combles tout autour de l'aître présentent une danse macabre unique en son genre, avec des laïcs côté ouest (empereur, roi, nobles) et des ecclésiastiques côté est (pape, évêque, moines). Les poutres en bois sont ornées de motifs funèbres : Pêle mêle on y trouve aussi bien des os, des crânes, des fémurs, ou des instruments liturgiques utilisés lors des enterrements.

Les Secrets Révélés par l'Archéologie

Des opérations archéologiques réalisées entre 2016 et 2018 ont apporté de précieuses informations sur le cimetière de l'Aître Saint-Maclou. Des traces de rachitisme ont été trouvées sur de nombreux corps, témoignant de la fréquence des crises alimentaires à l'époque moderne. Des fosses accueillant plusieurs individus déposés simultanément ou dans un temps proche ont été découvertes, témoignant sans doute d'épisodes épidémiques. Des analyses paléomicrobiologiques sont prévues pour confirmer la présence de la peste, ou d'autres types d'épidémie.

 

L'Aître Saint-Maclou à Travers les Siècles

Une École dans un Cimetière

Au fil des siècles, l'Aître Saint-Maclou a connu de nombreux usages. En 1652, une quatrième aile a été construite côté sud, fermant ainsi la cour. Cette aile comprenait un étage dans lequel étaient aménagés des logements destinés aux prêtres. Au rez-de-chaussée, une école pour enfants pauvres a été ouverte. Face à l'afflux d'enfants, un étage a été ajouté aux galeries ouest, nord et est de 1745 à 1766. Les ossements ont été évacués et 25 ans plus tard, le cimetière a été désaffecté.

L'Aître Saint-Maclou, un Lieu d'Éducation

L'Aître Saint-Maclou a également servi de lieu d'éducation pendant plus de trois siècles, du 17e au 20e siècle. Au 17e siècle, les écoles de charité pour les pauvres se multiplient. Une école de garçons s'installe dans l'Aître vers 1661. Elle est rejointe par une école de filles, dont l'existence est attestée à la fin du 17e siècle. Ces écoles gratuites occupent peu à peu une grande partie des bâtiments de l'Aître Saint-Maclou, conduisant même à l'ajout d'un étage au 18e siècle. Au début de ce siècle, la gestion de l'école de garçons est confiée par l'archevêque de Rouen aux Frères des écoles chrétiennes de Jean-Baptiste de la Salle. L'école de filles est reprise par les sœurs d'Ernemont dans les années 1740.

L'École des Beaux-Arts de Rouen

Au début du XXe siècle, l'école a été remplacée par un pensionnat de jeunes filles. Puis, de 1940 à 2014, l'école des Beaux-Arts de Rouen a investi les lieux. C'est sans doute à ses étudiants facétieux que l'on doit la drôle de momie de chat noir emmurée, parfois animée lors des spectacles nocturnes.

Une Restauration Respectueuse de l'Histoire

La période de 2016 à 2020 a été marquée par une restauration majeure de l'Aître Saint-Maclou. Cette restauration a été réalisée avec le souci de préserver l'état du monument tel qu'il était en 1880, permettant ainsi de mettre en valeur les différentes phases de sa construction. Les baies de la galerie ouest ont été réouvertes, restituant l'aspect de cette galerie tel qu'il était vers 1880. L'ensemble des pans de bois des bâtiments a été examiné pour évaluer leur état et déterminer les restaurations nécessaires. Quant aux colonnes et à leur décor, quelques consolidations des pierres et petites interventions ont permis de redonner des éléments de lecture, l'idée n'étant pas de restituer d'hypothétiques sculptures.

La Renaissance de l'Aître Saint-Maclou

Après le déménagement de l'école des Beaux-Arts, l'Aître Saint-Maclou a fermé ses portes afin d’être restauré. Il a rouvert à la visite en 2020, accueillant désormais un café-restaurant et un centre d'art. Autour de la cour ont emménagé deux galeries d'art : la Galerie des Arts du feu, consacrée au travail de la terre, du verre et du métal, et la galerie Telmah, dédiée à l'art contemporain. Pour faire revivre les lieux, des ateliers artistiques, des spectacles son et lumière et des concerts sont aussi programmés à la belle saison.

Un lieu à découvrir absolument

L'Aître Saint-Maclou est un lieu qui a su traverser les âges et se réinventer. C'est un lieu qui raconte l'histoire de Rouen, de la France et de l'Europe. C'est un lieu qui invite à la réflexion sur la vie, la mort et la résilience de l'humanité face aux épreuves. C'est un lieu qui mérite d'être découvert, exploré et apprécié. Alors, si vous êtes de passage à Rouen, n'hésitez pas à faire un détour par l'Aître Saint-Maclou. Vous ne le regretterez pas.