Le cirque de Rouen, au carrefour des cultures

Pl. du Boulingrin Rouen Seine-Maritime

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Le Cirque de Rouen, aujourd'hui disparu, existe toujours dans la mémoire collective de la ville. Autrefois situé près de la place du Boulingrin, il s'élevait fièrement comme un témoignage de l'aspiration des Rouennais à un environnement urbain enrichi par l'art et la convivialité. À travers les époques, le Cirque de Rouen a non seulement été le témoin de spectacles époustouflants et de moments historiques, mais il a aussi joué un rôle pivot dans la vie culturelle locale. Voici son Histoire !

Les origines du cirque de Rouen

Arturo Michelena 00

Dans les dernières années du 19ème siècle, un rêve audacieux germa dans l'esprit des habitants de Rouen. En 1893, portés par l'enthousiasme collectif, ils firent appel à la municipalité pour la construction d'un cirque majestueux près de la place du Boulingrin. Leur requête ne resta pas lettre morte. Plusieurs projets furent soumis, mais celui de Blanchet, intégrant un poste de police et de pompiers, remporta les faveurs pour sa promesse de sécurité et de divertissement. En 1894, le Cirque de Rouen ouvrit ses portes, marquant le début d'une nouvelle ère culturelle pour la ville.

Ainsi, en 1894, Rouen assista à la naissance d'un cirque en dur, érigé sur la Place du Boulingrin, sur un terrain loué pour trente ans à la municipalité. Ce projet ambitieux, initié par Henry Blanchet et Auguste Pitot, donna vie à un espace majestueux capable d'accueillir 3.000 spectateurs, avec des écuries pour 50 chevaux. Ce lieu allait devenir l'hôte de prestigieux cirques français et internationaux. Lors de la soirée inaugurale du 23 octobre 1894, c’est le Cirque Rancy qui présenta ses numéros incroyables, devant des spectateurs ébahis.

Au Cœur de la Foire Saint Romain

Dès ses débuts, le Cirque de Rouen entretient une relation étroite avec la Foire Saint Romain, l'une des plus anciennes et importantes foires de France. Situé stratégiquement le long des boulevards où se déroule la foire, le cirque devient rapidement un pivot central des festivités. Sa proximité avec la foire non seulement augmente sa visibilité mais crée aussi une synergie culturelle, renforçant son rôle comme un lieu incontournable de rassemblement et de célébration pour les habitants de Rouen et les visiteurs.

Une Scène de l'Innovation (1894-1939)

Le Cirque de Rouen devint rapidement un foyer de créativité et d'innovation. Il était plus qu'un simple lieu de spectacle ; c'était un carrefour où se croisaient les arts traditionnels et les technologies émergentes. Dès 1896, le cirque joua un rôle pionnier en devenant la première "salle de cinéma" de Rouen, accueillant des projections régulières de Pathé et d'autres sociétés cinématographiques de l'époque. Les échiquiers vivants, où les pions étaient incarnés par des acteurs costumés, fascinaient les spectateurs, créant une expérience immersive avant même l'avènement de la télévision.

À l'aube du XXe siècle, le Cirque de Rouen s'épanouit en tant que centre névralgique de la vie intellectuelle et politique, accueillant des congrès d'ampleur nationale. En 1905, il devient le théâtre d'un événement mémorable avec la présence d'éminentes personnalités telles que Jean Jaurès, Aristide Briand et Pierre Renaudel, témoignant de son rôle crucial au-delà du divertissement.

Les Ombres de la Guerre (1939-1944)

Bundesarchiv Bild 146-1984-035-10A, Frankreich, Rouen, beschädigte Kathedrale

La Seconde Guerre Mondiale plongea le cirque dans une période sombre. Réquisitionné d'abord par l'armée française en 1939, puis par les forces d'occupation allemandes, le cirque se transforma en un théâtre de conflit et de contrainte. Malgré les dommages causés par les bombardements de 1942, il continua de fonctionner sous une administration rigoureuse, les spectacles devant servir des causes de bienfaisance et recevoir l'approbation de la Kommandantur. Cette époque témoigna de la résilience du cirque et de son importance dans la vie quotidienne des Rouennais, même en temps de guerre.

Renaissance et Âge d'Or (1945-1968)

La Libération apporta un nouveau souffle au Cirque de Rouen. Avec la destruction des autres lieux de divertissement de la ville, le cirque reprit vie, devenant le cœur battant de la culture rouennaise. Il accueillit des concerts, des récitals, et même des saisons lyriques. Entre 1941 et 1962, dans l'attente de la renaissance du Théâtre des Arts, ravagé en 1944, le Cirque de Rouen se métamorphose en un sanctuaire de l'art lyrique. Durant cette période, il accueille avec grâce les saisons lyriques de Rouen, devenant ainsi un refuge pour les mélomanes et un pilier de la résilience culturelle de la ville en temps de reconstruction. Des artistes de renommée mondiale tels que Duke Ellington et Louis Armstrong foulèrent sa scène, apportant joie et évasion à une population meurtrie par la guerre. Ces années furent l'apogée du cirque, un lieu où les générations se rencontraient, partageant rires et émotions.

Le temps des adieux (1968-1973)

Les années 1970 marquèrent le début de la fin pour le vénérable édifice. La modernisation de la ville et l'émergence de nouvelles salles de spectacles entraînèrent un déclin de l'intérêt pour le cirque traditionnel. En 1973, confrontée à la nécessité de rénovations coûteuses et à une fréquentation en baisse, la municipalité prit la décision difficile mais inévitable de fermer le cirque. Cette fermeture symbolisa la fin d'une ère, un adieu émouvant à un monument qui avait survécu à la guerre, évolué avec son temps, et enchanté des générations de Rouennais.

L'Héritage Perpétué

Aujourd'hui, bien que le Cirque de Rouen ne soit plus qu'un souvenir, son héritage perdure dans les récits des anciens, les archives de la ville, et les cœurs de ceux qui ont été témoins de sa grandeur. Le Cirque de Rouen, dans son essence, était bien plus qu'un lieu de divertissement. C'était un microcosme de la société rouennaise, un miroir reflétant les changements et les défis de son époque. En retraçant son histoire, on découvre non seulement l'existence d'un lieu emblématique aujourd’hui disparu, et aussi l'histoire de l’art, de la Culture et de la résilience d'une ville et de ses habitants. En dépit de sa disparition physique, l'esprit du Cirque de Rouen continue de résonner, rappelant aux habitants et aux historiens la richesse d'un patrimoine culturel unique qui a façonné, et continue d'influencer, l'identité de Rouen.